ESCP-Europe Alumni Mag - n°126 - Septembre 2009 - 38

Entretiens Luxe Quand le temps devient précieux Arnaud VIDAL [98] D.R. C ’est en 1875, dans le village suisse du Brassus, que Jules-Louis Audemars et Edward-Auguste Piguet créent une manufacture d’horlogerie spécialisée dans les montres compliquées. Si la Manufacture Audemars Piguet s’est considérablement développée depuis, l’esprit d’exigence, l’inventivité et la passion horlogère de ses fondateurs perdurent comme l’explique cet Ancien, aujourd’hui Directeur général délégué de sa filiale française. Vous demeurez la plus ancienne manufacture à ne pas avoir quitté le patrimoine de ses familles fondatrices. Comment perpétuez-vous l’art de la haute horlogerie ? À chaque étape de notre histoire, nous avons su adopter des techniques d’avant-garde pour les mettre au service d’un savoir-faire artisanal à l’origine de la création de garde-temps d’exception. Près de 1 000 collaborateurs dans le monde -dont 750 en Suisse- réalisent, chaque année, environ 26 000 pièces qui témoignent tant de notre dynamisme que de notre indépendance sans oublier notre véritable créativité. Mais, c’est surtout autour de trois valeurs fondamentales que sont la Tradition, l’Excellence et l’Audace que la Manufacture Audemars Piguet parvient, encore, à perpétuer l’art de la haute horlogerie. Parmi les nombreux modèles, le plus connu est sans doute la Royal Oak créée en 1972, année, également, de votre naissance… L’anecdote est, en effet, amusante. Plus sérieusement, il convient de préciser, qu’à l’époque, la création de ce modèle, première montre sportive de luxe en acier, était un pari audacieux. Au-delà de notre savoir-faire inégalé, notre capacité à innover et à découvrir les horizons insoupçonnés de la haute horlogerie permet à Audemars Piguet de s’inscrire dans le temps et ce depuis 1875. Historiquement, nous restons la marque qui possède le plus grand nombre de brevets horlogers et de complications horlogères. Car toutes ces montres rares sont conçues et réalisées au sein même de nos ateliers. Certaines grandes complications nécessitent, parfois, jusqu’à 12 mois de fabrication ! Si la Manufacture recourt aux technologies les plus récentes dans les phases de conception et de fabrication de chacun des éléments, la décoration, l’assemblage et le réglage sont invariablement réalisés à la main, respectant des méthodes traditionnelles. Diriez-vous que vous évoluez, aujourd’hui, sur un marché qui possède les mêmes règles que celui de l’art ? C’est à la fois étonnant et fascinant d’évoluer au sein d’un secteur qui s’il se cantonnait à l’achat d’une montre n’existerait plus. J’entends par là que les montres Audemars Piguet apparaissent, aujourd’hui, comme le summum du luxe -avec un prix d’appel supérieur à 8 000 euros pour une montre Royal Oak homme- et sont, de fait, associées dans l’imaginaire collectif à un univers de rareté. Jusque dans ses finitions et son esthétisme, il s’agit d’un objet d’art à part entière qui suscite l’intérêt de nombreux collectionneurs. À raison de 26 000 pièces produites -lorsque d’autres concurrents en réalisent 800 000- force est d’admettre que notre secteur fait l’objet de nombreuses spéculations -la demande surpassant l’offre pour notre marque- qui laissent à penser que ce marché évolue avec les mêmes règles que celles qui régissent le marché de l’art aujourd’hui. Cela implique, donc, la prise en compte d’enjeux globaux : comprendre la culture de nos clients répartis dans le monde est essentiel pour installer la cohérence de notre marque au niveau international. Et c’est bien là, tout le challenge inhérent au secteur du luxe : séduire le client par la valeur et la symbolique de la marque autant que par celle du produit. l Propos recueillis par Émilie Vidaud 38 ESCP Europe Magazine N° 126 - Septembre 2009

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