ESCP Europe Magazine - N°176 - Janvier/Février 2018 - Preview - 21

ALUMNI
50 à suivre en 2018
Comment le secteur de
l'édition est-il impacté par la
transformation numérique ?
La transformation numérique dont on
nous parle depuis à peu près 20 ans
ne touche pas si fortement que cela
le livre. C'est vrai que 10 % de notre
chiffre d'affaires est fait en numérique
sous forme de e-books notamment en
Angleterre et aux États-Unis. Mais le
e-book c'est le même produit qu'un
livre sous forme numérique, on ne
peut pas dire que cela soit une innovation majeure. Manifestement le taux
de pénétration de ce format est plutôt
en train de régresser.

Pourquoi pensez-vous que
le livre est moins impacté
que la presse magazine ou
la musique par exemple ?
Je me souviens de mes rencontres avec
Steve Jobs et Jeff Bezos, il y a 7, 8 ans
où les deux m'avaient dit : « vous savez
les gens quand ils achètent un livre, ils
veulent le livre ». Vous pouvez rajouter
des vidéos, la biographie de l'auteur,

veut-on absolument forcer les gens à
passer à un livre numérique.

Quels est le principal défi
auquel est aujourd'hui
confronté le numéro 3
mondial de l'édition ?
Le vrai enjeu est la baisse du temps
consacré par les gens partout dans
le monde à la lecture. C'est vrai que
les gens passent plus de temps sur
les réseaux sociaux, ils regardent des
vidéos à tout moment sur leurs mobiles.
Dans les années à venir, on risque de
voir apparaître un début de déclin de la
place du livre. Et nous sommes obligés
de nous y préparer. Se préparer, cela
veut dire changer un peu la forme de
nos livres, avec des boites de jeu, des
objets. Il faut réinventer une partie des
formats de manière à ce que le livre
reste un objet attractif et moderne. Il
faut donner envie aux gens d'acheter.
Il faut également aller chercher des
relais de croissance sur des territoires
au delà de notre cœur de marché. C'est
pour cela que nous avons acheté ces

« Le livre est un objet peu cher et
très pratique, c'est pour cela qu'il
n'a pas changé depuis des siècles »
etc mais cela n'intéresse pas grand
monde. On a fait beaucoup d'expériences de ebooks enrichis. Cela coûte
assez cher de développer des enrichissements et les consommateurs ne sont
pas prêts à payer. Dans le numérique
ce qui a marché c'est la simple copie
du livre. Et puis, on nous a expliqué que
le numérique permettait de pérenniser le livre car il ne s'abime plus : c'est
une contre-vérité absolue puisque si
vous retrouvez un livre dans un grenier
qui date du XIXe siècle, vous l'ouvrez,
il marche. Alors que dans un siècle et
demi personne ne pourra accéder à un
Ipad pour lire les livres qu'il y avait dessus. Le livre est un objet peu cher et très
pratique, c'est pour cela qu'il n'a pas
changé depuis des siècles. C'est comme
la fourchette, un moment donné on est
arrivé à l'objet parfait alors pourquoi

deux dernières années, 3 petits studios
de développement de jeux vidéo. Car
on sait bien que le jeu vidéo gratuit ou
payant représente un temps de loisir en
plein essor mais également un marché
monétisé en très forte croissance.

Professionnellement, depuis
que vous êtes à la tête de
cette entreprise, qu'est ce
qui vous rend le plus fier ?
Avoir construit une entreprise française dans le domaine de la culture
qui est troisième mondiale. Il n'y a pas
beaucoup d'exemples d'entreprises
françaises qui réussissent cette internationalisation dans le secteur de la
culture/communication en étant dans le
monde anglo-saxon. On publie plus de
livres en langue anglaise qu'en langue
française même si on est très fiers de

nos origines françaises. Il y a un autre
sentiment peut-être plus profond. Nous
sommes une vraie fédération de petites
entreprises. Et chacune de ces structures est une petite équipe qui défend
les œuvres de ses auteurs et les protège
et c'est une vraie fierté d'accompagner
autant d'auteurs dans leurs carrières
d'écrivains un peu partout dans le
monde. Il y a une vraie responsabilité
sociétale parce que le livre c'est le débat
d'idées, l'éducation, la culture. Qu'une
entreprise française ait ce rôle là, c'est
très bien. D'autant plus qu'Hachette
s'est retrouvé un peu par la force de mes
convictions ces 10 dernières années à
la tête des combats qu'il a fallu mener
un peu partout dans le monde contre
Google, Amazon, Apple, la commission
européenne, la justice américaine, pour
faire valoir un modèle économique qui
nous permette de continuer à faire
notre métier sans subir les mêmes difficultés que la musique ou la presse.

Que représente pour
vous d'être à la tête
de ESCP Europe Alumni ?
Une vraie fierté et une vraie responsabilité. Une fierté parce que c'est une communauté de plus de 50 000 membres,
c'est l'une des plus grandes écoles par
le nombre d'alumni, le classement, la
réputation. Et une vraie responsabilité
parce que l'on est à un moment important de l'histoire de l'école. Avec un
changement de statut qui va s'opérer
prochainement, qui va faire de l'école
une entreprise d'enseignement avec un
statut particulier et une vraie personnalité juridique. C'est un point d'inflexion
très fort pour cette école.

Que peut-on vous
souhaiter pour 2018 ?
Cela fait longtemps qu'on a pas eu le
prix Goncourt, j'adorerais l'avoir en
2018. Et puis si je pouvais faire d'aussi
belles rencontres qu'en 2017 où j'ai
eu la chance de rencontrer Michelle
et Barack Obama ça serait superbe.
La barre a été mise assez haut. Mais
je serais tout à fait partisan de recommencer !
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Propos recueillis par Arthur JEANNE

ESCP Europe Magazine numéro 176 ❙ JANVIER/FÉVRIER 2018

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