ESCP Europe Alumni Magazine - n°135 - Mars 2011 - 29

Business
Plus de création, moins d’uniformisation
Par Édouard DUPREY [97 et MSI 98]
Lutter contre les formats internationaux et valoriser la diversité
Ce double diktat fait que l’on ne laisse plus le temps aux émissions de s’installer. Or, il est rare qu’un programme rencontre instantanément son public, surtout dans un univers avec 18 chaînes gratuites. Deux grands succès comme Les Guignols et Plus belle la vie ont mis 2 ans à trouver leurs marques. Qui laissera aujourd’hui 2 ans à un programme ? Ce besoin d’un succès immédiat et, si possible garanti, contribue à l’omniprésence des formats internationaux. La première question d’un directeur des programmes lorsque vous lui pitchez un concept est : « Est-ce que ça a marché à l’étranger ? ». Difficile alors de lui vendre une création. Les deux grosses nouveautés 2011 de TF1 et M6 sont Dancing with the stars et X Factor. Ces programmes sont très ambitieux et très coûteux, mais les chaînes se rassurent en se disant que s’ils marchent dans une vingtaine de pays, ils marcheront en France. D’ailleurs, pour elles, ce ne sont plus des programmes mais des marques. Elles sont synonymes de produits dérivés et de sources de revenus hors antenne. Mais, alors qu’en trois clics, je peux voir Glee, Modern Family ou la nouvelle saison de So you think you can dance ?, est-ce que des formats créés en 2004 et 2005 n’ont pas déjà un coup de vieux ? Toute cette logique de chiffres et de marques a conduit à un changement des hommes qui font la télé. On y trouve de plus en plus de diplômés de Grandes Écoles et on assiste à une uniformisation des profils. Or, la création a besoin de la diversité des parcours, des histoires, des curiosités et des Humanités.

D.R.

près avoir démarré sa carrière dans le groupe Canal+, Édouard DUPREY rejoint Fremantlemedia France où il est exerce les fonctions de Directeur de la Création puis de Directeur des Programmes. En juillet 2010, il crée sa société : Kaly Productions qui produit pour France 4, M6 et CANAL+. Il déplore le manque de création actuel et l’omniprésence des formats internationaux.

Si l’on veut que

France 2 annonce le retour de Champs Elysées de Michel Drucker. France 3 lance Midi en France avec Laurent Boyer et Évelyne Thomas. TF1 nous propose chaque jour Christophe Dechavanne dans Une famille en or et Le juste prix animé par Vincent Lagaf. Patrick de Carolis reviendrait sur M6. Philippe Bouvard cartonne sur Paris Première et Philippe Risoli anime L’école des fans sur Gulli. À croire que l’on a franchi la barre des 88 miles à l’heure dans la DeLorean de Retour vers le futur pour se retrouver au 20ème siècle. Pourquoi tant de resucées et si peu de création ?

la télévision ne devienne pas qu’un meuble extra-plat, il est urgent de se réimprégner de l’air du temps, de développer de nouvelles idées et de prendre des risques.

Un contexte peu propice à la création

Chaque jour à 9h, l’industrie de la télévision attend fébrilement les audiences Médiamétrie. Elles déterminent le succès ou l’échec d’un programme comme elles sanctionnent le travail d’un producteur et d’un patron de chaîne. La télévision comme ses hommes passent un concours permanent et vivent dans une frénésie qui n’est pas propice à la création. Regardez le changement de discours des chaînes de la TNT depuis qu’elles ont accès au Médiamat quotidien, elles ne parlent plus que de chiffres qui fragilisent également la création. Les incertitudes des marchés publicitaires comme les rendements demandés par les actionnaires pèsent lourdement sur les budgets programmes des chaînes historiques. Cela n’empêche pas d’avoir de bonnes idées, mais réduit le champ des possibilités. Cela a aussi diminué les budgets de développement et donc on écrit, pilote, teste de moins en moins de nouveaux concepts.

Prendre des risques

Ne sombrons pas dans le « c’était mieux avant », mais s’il y a une chose que je retiens des deux hommes qui ont fait la télévision des années 90, Étienne Mougeotte et Alain de Greef, c’est qu’ils prenaient des risques, lançaient de nouveaux animateurs, de nouveaux comédiens, de nouvelles idées, de nouveaux concepts, de nouveaux producteurs. Certains ont sombré dans l’oubli et d’autres ont durablement marqué notre société et notre culture. Si l’on veut que la télévision ne devienne pas qu’un meuble extra-plat, il est urgent de se réimprégner de l’air du temps, de développer de nouvelles idées et de prendre des risques. l

ESCP Europe Magazine N° 135 - Mars 2011

Table des matières de la publication ESCP Europe Alumni Magazine - n°135 - Mars 2011

Couverture
Zapping
Sommaire
Editorial
Personnalité du mois - François MORINIERE(87) : Partageons le sport
Focus - Où vont les médias
Itinéraires
Entretiens
Vie du réseau - Votre espace personnel sur www.escpeuropealumni.org
A lire
Évolution professionnelle - 2010 UK Careers Events : a business model that works
Voyages - Une Odyssée à travers les Amériques
École - L'institut pour l'Innovation et la Compétitivité
Fondation - 5 ans et un premier "Mur des donateurs"
Vie étudiante - Le Téléthon à ESCP Europe

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