ESCP Europe Alumni Magazine - n°134 - Janvier 2011 - 18

Focus

À la croisée des chemins
Jean-Louis RIALLIN [57]
D.R.

« Soit nous continuons à mettre au cœur de nos sociétés économiques le libre marché, l’obsession du court terme, les déréglementations, responsables des pires dérives du système financier, soit nous acceptons de faire un pas de côté et de considérer les causes fondamentales de notre échec », tel est l’avis de Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qui s’est exprimé suite à la crise. Nous proposons ici dans nos colonnes un droit de réponse à Jean-Louis RIALLIN (57), un Sage, aujourd’hui encore conseiller du Président chez Colony Capital. Comme Joseph Stiglitz, caractériseriezvous la crise que nous venons de vivre de « triomphe de la cupidité » ? Non. Mais d’abord expliquons-nous sur le mot « cupidité » qui a une consonance négative. Si on le remplace par « forte envie de gagner de l’argent » (une des définitions du dictionnaire), on trouve là le principal moteur du libéralisme qui a montré être le meilleur ou le moins mauvais des systèmes économiques connus. Je ne crois donc pas à un triomphe de ladite cupidité. La crise que nous venons de traverser est due à la création d’un certain nombre de produits financiers aux noms plus ou moins exotiques dont la caractéristique essentielle a été de transférer les principaux risques identifiés par les « sachants » à des investisseurs incapables de les identifier. Face à cette ingéniosité, les autorités de tutelle des états ont, à tout le moins, manqué de vigilance et les agences de notation ont accordé des notes flatteuses à des produits financiers qui se sont révélés être des bombes à retardement. Reconnaissons toutefois la difficulté de l’exercice. La dimension du marché pour la finance, c’est le monde. La portée de l’exercice du pouvoir public, c’est les frontières de l’état en l’absence d’une gouvernance mondiale qui reste à inventer mais encore plus à imposer. Même si l’exercice n’est pas parfait, les principaux états ont un rôle à jouer et une bonne coordination de leurs décisions peut éviter la plus grande partie des déboires de la crise récente.

Avons-nous la volonté de lutter contre les excès de la finance ou tout va-t-il recommencer comme avant ? Le « nous » a besoin d’être qualifié. S’il s’agit de notre conscience collective de citoyens, je crois que la réponse est « oui ». Mais toute la difficulté réside dans la mise en œuvre. On rejoint le besoin d’une « O.M.F. », Organisation Mondiale de la Finance, chargée d’amener les états à adopter des règlementations homogènes et à mettre en place des moyens pour sanctionner les dérapages. On peut, bien entendu, s’attendre à la résistance de certaines banques ou compagnies d’assurances lorsqu’il leur sera demandé de revenir à une stricte orthodoxie. Il faudrait cependant parvenir à briser le cercle vicieux qui consiste pour les banques à demander à leurs traders des performances exceptionnelles et pour les traders à imaginer des produits de plus en plus sophistiqués pour réaliser ces performances. Le monde de la finance survivrait-il à un double dip ? Oui, sans aucun doute, car l’économie ne peut exister et se développer sans la finance. Comment remettre le curseur au vert ? Ne voyons pas tout en noir et soyons positifs. Chaque fois que la finance est au service de la création de valeur dans la production, la transformation ou les services, elle joue son rôle et les acteurs financiers doivent gagner de l’argent, et c’est naturel, pour rémunérer les risques qu’ils prennent. Notons à cet égard que les investisseurs en Capital regroupés au sein de l’AFIC revendiquent, pour les entreprises dans lesquelles ils ont investi, des performances économiques et des créations d’emplois supérieures à la moyenne. De la même façon, ne sous-estimons pas le rôle essentiel des banques dans le financement des entreprises. Il est primordial pour la croissance de notre économie. Les seules situations à combattre sont celles dans lesquelles la finance est au service de la spéculation. Au moins convient-il dans ce cas d’appeler un chat un chat et de ne pas tromper l’épargnant peu averti. l Propos recueillis par Nicole Gérald

situations à combattre sont celles dans lesquelles la finance est au service de la spéculation.

Les seules

ESCP Europe Magazine N° 134 - Janvier 2011

Table des matières de la publication ESCP Europe Alumni Magazine - n°134 - Janvier 2011

Couverture
Zapping
Sommaire
Editorial
Personnalité du mois - Marc PANDRAUD (81) : Passion to perform
Focus - Banques d’affaires et marchés
Itinéraires
Entretiens
Vie du réseau - Votre nouveau site web
A lire
Évolution professionnelle
Voyages - La raid Amazones
École - Entrepreneurialement vôtre
Fondation - La Fondation en brèves
Vie étudiante - Entrepreneurs of dreams

ESCP Europe Alumni Magazine - n°134 - Janvier 2011