ESCP Europe Alumni Magazine - n°132 - Septembre 2010 - 62

Europe wins
J’en ai marre du pessimisme mondial concernant l’économie européenne et ses entreprises, notamment de la part des économistes anglo-saxons. Il ne fait certes aucun doute que l’innovation est du côté des États-Unis : qu’il s’agisse des nouvelles technologies de l’information ou des technologies de la santé, de très nombreuses innovations sont nées dans les entreprises américaines ou avec des entreprises américaines. Il y a là un terreau avec de nombreuses pousses sans équivalent dans le monde. N’oublions pas non plus les quelques grandes entreprises américaines anciennes qui savent sans cesse se renouveler, s’adapter, créer de nouveaux « business model » : IBM, GE, P&G. Mais qu’en est-il des entreprises des secteurs traditionnels ? Où sont passés les Dupont de Nemours ? Où sont passés les Revlon ? Où sont passés les GM ? Où sont passés les US Steel ? L’observation est simple : dans tous les secteurs traditionnels, les entreprises américaines ont été dépassées ; que l’indicateur de mesure soit la part de marché, le leadership mondial, ou encore plus révélateur la productivité, ce sont principalement les entreprises européennes, et dans une moindre mesure des entreprises asiatiques, qui sont les leaders de ces marchés. Prenons quelques exemples : dans le secteur automobile, le temps est loin où General Motors était le leader mondial et tout ce qui était bon pour General Motors était bon pour les États-Unis ; aujourd’hui, les leaders sont allemands ou japonais, que l’indicateur de mesure soit la qualité, le volume, la profitabilité ou la productivité. Dans le domaine de l’acier, les usines européennes sont capables de produire des aciers de très grande qualité exportés dans le monde entier ; et pour l’acier courant, ce sont les usines asiatiques qui prennent le relais ; l’acier américain vit mal, bien qu’à l’abri de barrières douanières. Dans le domaine du ciment, les leaders mondiaux sont mexicains, suisses ou français. Dans le domaine de la grosse et de la petite mécanique, les leaders sont presque toujours allemands ou italiens. Dans le domaine du BTP, ce sont deux entreprises françaises, Bouygues et Vinci, qui sont les leaders mondiaux. Dans la plupart des secteurs de services (banque de détail, assurance, distribution…), les analyses de productivité font toujours ressortir les entreprises européennes. Il en est de même dans les biens de grande consommation (agro-alimentaire, confection, cosmétique, maroquinerie, vins et spiritueux…). Les explications sont de divers ordres : - financier : les entreprises américaines ont pour horizon de temps le trimestre et la publication des résultats associés à chaque trimestre ; tel n’est pas le cas de beaucoup d’entreprises européennes dont les actionnaires prennent volontiers des horizons de temps long. - sociologique : les Américains sont un peuple de conquête ; il faut toujours aller de l’avant, toujours découvrir des horizons nouveaux, innover. Faire mieux dans une entreprise existante sans grandes perspectives de croissance est vite perçu comme ennuyeux. - socio-économique : l’Europe, c’est une multitude de pays, une multitude de cultures ; pour y réussir, les entreprises doivent proposer des offres complexes, variées, adaptées à chaque culture à chaque pays, voire à chaque région ; dans un monde où les marchés se segmentent de plus en plus c’est là un atout très important. - social : non seulement les coûts de main d’œuvre européens sont les plus élevés du monde mais les systèmes sociaux imposent beaucoup de rigidité ; pour faire face, les entreprises européennes sont contraintes d’être extrêmement productives, c’est-à-dire d’utiliser moins de ressources humaines pour le même niveau de production. Apparemment, Newsweek en a eu marre aussi de ce pessimisme ambiant puisque la couverture d’un numéro d’avril titrait : « Europe wins »… Jean-Marie DUCREUX (70)

ESCP Europe Magazine N° 132 - Septembre 2010

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Table des matières de la publication ESCP Europe Alumni Magazine - n°132 - Septembre 2010

Couverture
Zapping
Sommaire
Editorial
Personnalité du mois - Britt ECKELMANN
Focus - La symphonie allemande
Itinéraires
Entretiens
Vie du réseau
Évolution professionnelle
Voyages - Le rallye des gazelles
A lire
École - Meet ESCP Europe Entrepreneurs
Fondation
Vie étudiante

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