ESCP Europe Alumni Magazine - n°130 - Mai 2010 - 54

Mort aux vieux !
Ça y est, je suis mort. Professionnellement s’entend. J’ai appris la nouvelle lors d’une réunion de chasseurs de têtes (un nom tout à fait justifié !), qui nous ont annoncé que l’âge auquel on devenait Senior -c’est-à-dire interdit de recrutement- était maintenant de… 47 ans, non de 45 ans a précisé un chasseur plus sanguinaire que ses collègues… Alors là, j’en suis resté pantois. Je n’ai déjà pas servi à l’économie pendant les 25 premières années de ma vie mais maintenant il faudrait que je me retire de toute vie professionnelle « rémunérée » pendant les 40 dernières années (si on en croit les statistiques d’espérance de vie). J’aurais donc quasiment le rythme de carrière d’un footballeur avec 20 petites années d’activité sur 85 de vie possible. Sauf que je n’ai jamais eu les revenus de Zidane (ni sans doute ses qualités). Et c’est là où tout se complique et devient paradoxal. Figurez-vous qu’au moment où on me retire tout espoir de fiche de paye, on me pousse à payer de ma personne… et de mes économies. En me vantant les « bienfaits » du bénévolat, l’aide « due » aux enfants (et futurs petits enfants), la générosité « logique » pour le monde caritatif. Et aussi, via la publicité qui vise « ma » cible de consommateurs, en me proposant les plus beaux voyages (normal, j’ai du temps libre), les plus belles voitures, les plus belles fringues, les plus bateaux, les plus belles baraques et même les plus belles crèmes anti-rides (normal, je dois faire djeun)… En résumé, plus de boulot, moins de fric, plus de dépenses… et en plus grâce à cet âge merveilleux, quelques petits cancers ou infarctus qui m’attendent au tournant… ! Et bien je dis NON ! Je veux bien cracher à tous ces nobles bassinets, mais je veux conserver mon utilité et un revenu correspondant. Et, comme on me les retire, je vais les récupérer. Moi-même. Mais pas tout seul. « Vieux » de plus de 45 ans, de tous les secteurs, de toutes les fonctions, unissons nous et ré-intégrons cette économie -en crise- pour l’aider ! On nous montre la porte, on revient par la fenêtre. Ensemble, poussons nos idées, nos initiatives, poussons le privé à nous entendre, poussons les pouvoirs publics à agir en notre faveur (les accords de Lisbonne ont fixé à 50 % la part des 55/64 ans au travail pour… 2010. Actuellement en France nous en sommes à 39 % !) . Mais surtout agissons pour « leur » montrer que notre matière grise n’est pas de la matière grasse. Et qu’elle est forte de notre volonté, forte de nos expertises, forte de notre passion pour nos métiers. Chers « Vieux » révoltons-nous et bossons !
(Une pensée en cadeau : « À mon âge, ce n’est plus moi qui vieillis, c’est le passé qui recule » G. Lacroix)

Yves SÉCHAUD (71)

ESCP Europe Magazine N° 130 - Mai 2010

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