ESCP Europe Alumni Magazine - n°130 - Mai 2010 - 40

Vie du réseau
SENIORS ACTIFS

Une leçon de vie…
Par François VALVERDE [46]
e 22 octobre dernier, les groupes Seniors Actifs de ESCP Europe, HEC et HECJF se sont une nouvelle fois réunis autour d’un thème des plus intéressants : « Vivre et mourir, qu’en disent les philosophes ? »… et qu’en dit Charles PÉPIN*, notre invité du jour, Professeur agrégé de Philosophie ? S’il est difficile de se préparer à la mort, il est tout aussi difficile de ne pas s’y préparer. La caractéristique de la condition humaine est que nous sommes les seuls êtres vivants à savoir que nous allons mourir, et l’essentiel de nos activités procède d’un souci paradoxal, soit de ne pas penser à la mort, soit de la combattre. Se préparer à la mort serait l’accepter, s’y résigner et non tout faire pour la vaincre. La mort n’est plus vaincue mais refoulée. Pascal ne dit-il pas : « N’ayant pu guérir la mort, les êtres humains se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser » ?

liens. Ne plus tenir à rien de ce qui nous retient ici-bas, c’est être prêt à mourir. En résumé, pour être prêt à mourir, il faut déjà mourir un peu. Les Stoïciens nous enjoignent aussi de ne pas nous attacher. Pour Platon, « philosopher, c’est apprendre à mourir », s’élever au-dessus de notre corps périssable pour atteindre aux vérités éternelles, et pour Socrate, elle est un bien qui nous affranchit du fardeau de ce corps mortel… Sigmund Freud ne nous invite pas à ignorer la mort, mais à cesser de fuir l’idée de notre mortalité tout en visant à intensifier notre vie. Se préparer à mourir « c’est vivre ce que l’on a à vivre ».

Un bien ou un mal ?

Se préparer à la mort est-ce renoncer à la vie ?
Le Boudhisme et son Dieu Ganesh nous suggèrent de renoncer dès maintenant à tous

La mort est un bien ou un mal selon les circonstances : en effet, vouloir multiplier les expériences les plus diverses dans une boulimie des possibilités, rechercher le maximum d’émotions en diversifiant la palette, n’est-ce pas plutôt fuir la mort que de s’y préparer ? Se préparer à mourir n’est-ce pas choisir ce qui est important : ne pas s’éparpiller dans une multiplicité de quêtes mais plutôt réaliser ce que nous voulons vraiment avoir accompli avant de mourir, tant dans la sphère privée que professionnelle. Se préparer, c’est se hâter de faire ce que nous devons accomplir. Puis, il vient aussi un temps où la vie commence à se retirer. Les forces résistent de moins en moins. La vie cherche toujours à se surmonter elle-même, mais elle n’y arrive plus. La vieillesse nous apprend à renoncer progressivement et, selon Heidegger, à nous familiariser avec l’impossible. Le temps qui passe et fatigue notre corps nous aide à défaire peu à peu les liens qui nous retiennent à la vie. Nous l’accepterons d’autant mieux que nous aurons fait à temps, « ce que nous estimons devoir faire ». l
*Charles PÉPIN, HEC, IEP, agrégé de philosophie, Professeur au lycée d’État de la Légion d’honneur et dans les classes prépa de Sciences Po. À lire : Une semaine de Philosophie (J’ai Lu 2006) et Les philosophes sur le divan (Flammarion 2008).

Pour être prêt à mourir, il faut déjà mourir un peu.

ESCP Europe Magazine N° 130 - Mai 2010

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