ESCP Europe Alumni Magazine - n°127 - Novembre 2009 - 19

Business CP : Maison&Objet / NellyRodi lument essentiels de la convergence entre le luxe et le contemporain, pas seulement entre le luxe et l’art. En un certain sens, Jeff Koons résume aussi à lui seul les intentions de PPR. Ce mouvement fut et est très profond. Le luxe a, pratiquement, comme délégué et clusterisé ses sources les plus essentielles de création à cet extraordinaire écosystème composé de galeries, de collectionneurs, de designers, de plasticiens, de curators. Sollicitant et permettant tous les croisements, toutes les interfaces. Les marques les plus innovantes sont devenues des hubs davantage que des identités stabilisées. Les esprits chagrins diront que le prix des produits tend à devenir une cote ; une cote est plus spéculative et davantage assise sur une convention sociale que sur une valeur intrinsèque. Les codes ont changé Le luxe de l’ostentation tend à devenir un contresens. Les luxes et la création contemporaine Mais, cette nouveauté là, il faut aussi l’interroger. Cette relation étroite, fructueuse, entre créatifs et créateurs s’est rapidement institutionnalisée. Par ailleurs, le luxe de l’ostentation tend à devenir un contresens. « Une Rolex à cinquante ans, ou bien la vie est ratée », ça ne passe plus du tout. À New-York ou Place Vendôme, des clients demandent des sacs banalisés et no logo dans certaines boutiques. De fait, dans tant de cas, la marque avait comme aboli l’intention des créateurs. Beaucoup de marques de lifestyle ont par exemple renvoyé le nom de leur créateur actuel à l’anonymat. Avec, peut-être, le sentiment perçu d’une perte d’authenticité. Avec, surtout, l’impression d’une utilisation sans trop de limites de la corde des « produits dérivés » et de l’accessoirisation. Ensuite, nous avons tous assisté, depuis le début du millénaire, à une mutation complète de la relation entre les luxes et la création contemporaine. Souvenons-nous du fait que, jusque dans les années 90, le luxe s’exprimait principalement sous sa forme patrimoniale : c’est l’absolue rareté des savoir-faire mobilisés qui était mise en avant et décodée par les différents publics. Le luxe signifiait principalement quelque chose d’intangible, une forme de permanence qui la dissociait fortement de la mode. En collaborant par exemple avec Murakami, Marc Jacobs, pour Louis Vuitton, a donné le signal d’une profonde mutation. Désormais, la foire de Bâle est devenue un lieu absolument essentiel d’inspirations et de croisements. Les fondations d’art contemporain de François Pinault comme de Bernard Arnault ne sont pas des réalisations anecdotiques à l’échelle de l’industrie. Ce sont, là aussi, des signaux abso- Vers une économie servicielle et personnalisée Ce qui est peut-être un peu complexe, c’est que ce nouveau mouvement ne sera pas non plus un simple retour au statu quo d’avant : nous ne reviendrons pas non plus à la valorisation presque exclusive de la valeur-travail incorporée dans le produit et à sublimation des savoir-faire uniques. Notre économie tend à devenir véritablement servicielle. Serviciel signifie, paradoxalement : il n’y a plus grand sens à dissocier ce qui est de l’autre du produit et ce qui est de l’ordre du service. Dans le serviciel, il y a beaucoup de produits mais des produits d’expérience, des produits qui viennent s’insérer dans l’univers d’usage de la personne. La question de la personnalisation est désormais décisive. Louis Vuitton envoie parfois des gâteaux d’anniversaire à ses clients choisis ! Dior vous remercie de votre visite en boutique par l’envoi d’un petit mot manuscrit de la part du vendeur. l ESCP Europe Magazine N° 127 - Novembre 2009

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