ESCP-EAP Mag - n°119 - Juillet 2008 - 39

Association un renfort. Ils préfèrent être seuls à décider. En même temps, les Européens ne cherchent pas trop à s’imposer, par inhibition interne. Ils voudraient vivre dans un monde « post tragique », quoique cette attitude soit moins vraie pour les pays de l’Est Européen. L’Europe veut parfois adopter un comportement qui fonctionnerait très bien si le monde était peuplé d’Européens de l’Ouest. Les incertitudes de celle-ci sont un handicap dans le monde politique et intellectuel, pas dans le monde économique où l’on se doit d’être pragmatique. Le risque serait que l’on aboutisse à un monde multipolaire sans que l’Europe soit un de ces pôles. L’idéal serait que les Européens se mettent d’accord pour qu’elle soit un pôle dans un monde ouvert, sinon nous ne préserverons même pas notre mode de vie. L’Europe est confrontée à des défis extrêmement sérieux et il convient d’alerter l’opinion publique sans la paniquer. Vis-à-vis des USA, elle doit se faire respecter. Or, être un partenaire implique d’être prêt à prendre plus de risques, à dépenser plus, à investir plus. La décision en appartient exclusivement aux Européens. Le jour où la Russie aura en face d’elle une attitude assez homogène, on pourra avoir des crises sur certains points mais l’Europe se fera respecter. Suite à l’exposé d’H.Védrine, l’assistance a posé de nombreuses questions. Celui-ci a rappelé les dangers de ce qu’il appelle « l’irréal politique » : les Droits de l’Homme doivent être un élément de notre diplomatie, mais pas le seul. L’État de Droit est en formation progressive et on en est moins loin qu’il y a 30 ans, même s’il n’y a pas de garantie absolue. Sur le plan économique, il ne faut pas opposer État de Droit et nationalisations. Il y a un processus positif, poussé par le besoin d’investissement et de technologie occidentale. La sanction d’une politique trop brutale serait son effet dissuasif vis-à-vis des investisseurs étrangers. Pour avoir des partenariats de longue durée, il faudrait une nouvelle politique en Europe, mais il n’est pas possible que la France et l’Allemagne jouent les franc-tireurs avec la Russie. La réponse tient peut-être non dans des projets géopolitiques globaux mais dans des partenariats sur des sujets précis comme l’aéronautique ou l’espace. H. Védrine ne voit pas pourquoi la Russie voudrait créer une crise avec l’Europe : ce serait « se tirer une balle dans le pied ». Dans certains domaines, la Russie peut avoir des velléités d’intervention dans les entreprises européennes. La réponse doit être : coopération oui, prise de contrôle non. Globalement, la Russie se cherche. La référence la plus appropriée est celle à la France DR De nombreuses questions font suite à l’exposé. des années 1945-1950. Dans ce contexte, il conviendrait de proposer un « deal » intelligent entre l’Europe et la Russie sur des bases claires. Il convient tout d’abord de donner des garanties stratégiques à la Russie, comme : - la stabilisation de l’OTAN. Compte tenu de l’écart militaire vis-à-vis de la Russie, l’élargissement n’a pas d’intérêt : on peut peser autrement. Là-dessus l’Europe doit se distinguer des USA. - l’absence de système anti-missiles (qui n’offre pas d’intérêt) aux portes de la Russie. - l’acceptation de l’existence de zones intermédiaires comme le fut la Finlande : une démocratie à économie de marché à l’écart des conflits politiques. Ceci pourrait concerner l’Ukraine et la Géorgie. En contrepartie, des garanties doivent être demandées aux Russes, notamment le renforcement de l’État de Droit et la garantie pour les investissements étrangers. Un moratoire sur les investissements étrangers pourrait être mis en place s’il n’y a pas ces engagements. Un tel « deal » devrait également comprendre des coopérations dans les domaines de l’aéronautique, du spatial, des hautes technologies, un volet de rencontres stratégiques et politiques, et un très grand volet culturel, un « Erasmus euro-russe ». Pour que cela fonctionne, il faut des signes très précis des Européens qui se démarqueraient des tenants de la ligne dure aux USA, et des engagements sérieux des Russes. La présidence française de l’UE peut être une chance de faire avancer une politique européenne vis-à-vis de la Russie, comme des USA. L’élection de D. Medvedev pourrait aussi offrir une nouvelle opportunité. l ESCP-EAP MAGAZINE N° 119 - Juillet 2008 39

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