ESCP-EAP Mag - n°119 - Juillet 2008 - 13

Business ne détecte la truffe sous quelques cm de terre que lorsque celle-ci est mûre et exhale tout son parfum. Pour le chiffre d’affaires de cette culture, je dirai juste que je peine à dépasser le stade de l’autoconsommation… Les recettes sont variées, les amis nombreux, le plaisir réel et, très caillouteuses, les terres sur lesquelles est implanté ce verger ne laissent pas beaucoup d’autres perspectives. Pour ce qui est des céréales, près de la moitié de mes revenus est constituée des primes PAC. Je vends mes récoltes à une coopérative, à un négociant ou encore à d’autres agriculteurs, ne souhaitant pas investir pour stocker et vendre dans peutêtre de meilleures conditions. Je re-sème mes propres graines de blé ou d’orge récoltées (semence de ferme) comme cela se fait depuis des millénaires. Je suis farouchement hostile à l’opinion des sociétés semencières qui voudraient nous faire payer des droits sur des semences 2ème génération issues de nos récoltes, comme si, après avoir acheté une poule on devait repayer le vendeur à chaque œuf pondu ! Mon rôle d’exploitante agricole consiste à choisir les cultures pour chaque parcelle (assolement) selon des critères économiques et agronomiques, à calculer les quantités de semences, d’engrais et de produits à épandre, à faire les achats, les paiements, le suivi du salarié, à assurer la comptabilité, à m’occuper de l’administratif. L’exploitation n’est pas rentable, j’essaie de limiter les pertes aux coûts d’une maison de campagne. Je protège mon environnement et conserve un outil de travail. vers les cultures d’exportation (coton, soja, maïs…) pour rééquilibrer leur balance commerciale. Non-sens agronomique, ce choix montre ses limites avec surproduction d’un côté et famine de l’autre. Les petits producteurs locaux devraient redevenir rentables et ces pays, comme les autres, retrouver leur souveraineté alimentaire autour des savoirs locaux et communautaires(2). La Banque Mondiale reconnaît dans son rapport de 2008 qu’une augmentation du PIB issue de l’agriculture améliore les revenus des pauvres 2 à 4 fois plus qu’une augmentation due à un autre secteur. Produisant des céréales, je me réjouis de la montée des cours, ravie de voir la part de mon revenu due aux primes diminuer et mon rôle « nourricier » redevenir le plus important. Cependant, cette hausse des cours intervient après plusieurs décennies de baisse : avec la remontée récente, en 25 ans le cours du blé s’est seulement apprécié de 12 % quand le SMIC progressait de 120 % et que les rendements en France n’augmentent plus que marginalement. En outre, cette hausse est accompagnée de celle, très forte (plus de 45 % par rapport à 2007), du prix des engrais liés à ceux du pétrole(1) ainsi que des produits de traitements. Plus généralement, les cours mondiaux élevés et les émeutes qu’ils suscitent obligent à une nouvelle réflexion. On reprend conscience de l’importance des cultures vivrières pour les pays en voie de développement. Ceux-ci, obéissant aux injonctions du FMI, ont consacré tous leurs efforts Les cours des matières premières s’envolent J’aimerais une agriculture durable soit : « économiquement viable, écologiquement saine et socialement juste »(3), produisant plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Que pour les céréales au moins, l’on cesse de se référer au seul rendement brut (tant de quintaux de blé/ha) pour prendre en compte le rendement énergétique « qui compare l’énergie contenue par les denrées produites et celle qu’a nécessité leur production, sous forme de fioul, d’engrais et de pesticides, sans oublier l’énergie dépensée pour la fabrication des machines et le fonctionnement des services travaillant pour l’agriculture »(4). Celui-ci ne cesse de se détériorer. Trop souvent, l’agriculture ne fait que transformer en calories alimentaires les calories fossiles du pétrole Première prise de conscience officielle, le Grenelle de l’environnement a repris le principe d’un plan de performance énergétique des exploitations. On regrettera seulement que, dans un 1er temps, les économies envisagées le soient au niveau des engins et bâtiments via de nouveaux contrôles coûteux et contraignants alors que le vrai gisement d’économie est dans la modification des techniques culturales et des assolements. Il serait par exemple, plus efficace d’encourager la culture des légumineuses qui synthétisent l’azote de l’air et en restituent au sol, diminuant d’autant notre consommation azotée et donc de fioul. Sans charge supplémentaire, la nouvelle PAC pourrait introduire un système de bonus-malus en fonction des assolements, décourageant les monocultures et encourageant les légumineuses. La crise actuelle permet de poser les vraies questions de développement durable, d’après pétrole, d’équilibre villecampagne, Nord-Sud, de revenus… Nous sommes à un tournant et les problèmes à résoudre sont les mêmes partout, les solutions aussi. La survie de la planète et de l’homme passe par le développement de cette agriculture durable, plus juste et plus respectueuse des sols. l Quelle agriculture pour demain ? DR La survie de la planète passe par le développement d’une agriculture durable plus respectueuse des sols. (1) Il faut plus de 2 litres de fioul pour fabriquer une unité d’azote. (2) Selon les récentes conclusions de l’IAASTD (3) Ph.Vasseur, Ministre de l’Agriculture 1996 (4) D.Soltner dans « Les grandes productions végétales » ESCP-EAP MAGAZINE N° 119 - Juillet 2008

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