ESCP-EAP Mag - n°117 - Mars 2008 - 18

TINÉRAIRES FOCUS ZOOM ENTREPRENEURS VOYAGES Deviendrons-nous transgéniques ? Par BJORN NEUMANN (MBA 96) Les OGM, trois petites lettres qui nourrissent débats et inquiétudes. Pourtant, il est indispensable de se demander si les biotechnologies végétales seraient une réponse aux spécificités de l'agriculture française et de s’interroger sur les éventuels risques qu’elles feraient encourir à l’homme, la flore et la faune ? Éléments de réponse par Bjorn NEUMANN travaillant chez Monsanto, en Suisse. l est très frustrant d’avoir à traiter cette question quand le gouvernement a activé le 11/01/08 la fameuse clause de sauvegarde sur le maïs MON810 alors que cette culture a prouvé que l’on peut produire plus et mieux en améliorant la qualité sanitaire de la récolte. Produire mieux, parce que les maïsiculteurs peuvent se prémunir des dégâts de certains insectes sans avoir à recourir à des applications d’insecticides ; produire plus sain, parce que le MON810 permet de réduire le taux de certaines mycotoxines pouvant se développer sur le grain, et qui sont dangereuses pour la santé humaine et animale. Cette affirmation est d’ailleurs reconnue dans le récent « avis sur la dissémination du MON810 sur le territoire français » où l’on peut lire : « Santé humaine : des faits nouveaux révèlent l’effet du maïs Bt sur les teneurs en mycotoxine qui peuvent être réduites de 90 % (AFSSA 2004) par rapport aux hybrides conventionnels non traités par des insecticides ». I Produire plus sain Produire plus sain avec moins de produits phytosanitaires, voilà qui devrait correspondre aux désirs de la société française ! Les variétés issues des biotechnologies végétales étant examinées au cas par cas, quels sont donc les termes du rapport bénéfices/risques pour le MON810 ? Commençons par les risques supposés, qualifiés de « sérieux » pour justifier l’utilisation de la clause de sauvegarde. Rappelons que le MON810 a fait l’objet d’expertises scientifiques tant au niveau français (AFSSA et CGB) qu’européen (autorisation européenne puis revues par l’EFSA) qui ont validé et confirmé à l’absence de risque pour la santé et pour l’environnement. En dix ans, ce maïs a été cultivé sur plus de 100 millions d’hectares cumulés à travers le monde, sans aucun problème. De quels risques parle-t-on alors ? Sur la flore ? Rien ne le prouve. Sur la faune ? En termes d’utilisation réelle, aucun risque n’a été mis en évidence. Sans entrer ici dans une polémique, notons que de nombreux scientifiques français dont un prix Nobel ont immédiatement pris position pour rappeler l’innocuité du MON810 pour la santé et l’environnement. Concernant les bénéfices du MON810, en plus des bénéfices sanitaires cités plus haut, l’avis mentionne que « [les informations] semblent montrer en France une incidence positive sur les marges à l’hectare, à partir d’un taux d’infestation de 0,3 larve/tige (c’est-àdire potentiellement en moyenne pour 600 à 700 000 ha de maïs grain), s’élevant de 40 à 110 /ha, par rapport à des cultures conventionnelles ». Des résultats plus récents obtenus en 2006, montrent un revenu net additionnel de 140 /ha, une fois déduit le coût de la technologie de 40 /ha. Autrement dit, on chiffre à 4,5 de retour sur investissement par euro investi dans cette technologie en 2006. Le gain de rendement moyen observé en 2007, sous une pression des insectes plus faible qu’en 2006 a été logiquement moins élevé mais le cours du maïs atteignant plus de 200 /t, le gain de revenu net moyen a été de plus de 100 /ha par rapport au maïs conventionnel. Accepter l’innovation Au-delà de MON810, d’autres variétés issues des biotechnologies végétales sont commercialisés en dehors de l’Europe sur le maïs, le coton, le soja, le colza et la betterave. Les bénéfices apportés par ces variétés à leurs utilisateurs expliquent la croissance annuelle à deux chiffres des surfaces mondiales depuis 1996, dépassant les 100 millions d’hectares en 2006. Remarquons enfin que, liées à la semence, ces biotechnologies végétales représentent un investissement strictement proportionnel à la taille de l’exploitation agricole et sont ainsi accessibles et utilisées aussi par de très petits producteurs. Et dans le futur ? D’autres variétés sont en cours de développement, tel que le maïs tolérant à la sécheresse, actuellement testé avec succès aux USA, en Argentine et en Afrique du Sud, ou le soja enrichi en acide gras, pour n’en citer que deux. Comment les agriculteurs français pourront-ils en bénéficier un jour si la France -malgré 10 ans de recul sur sa culture à grande échelle et une documentation scientifique inégalée- bloque le maïs MON810 qui a largement montré son utilité et sa sécurité d’utilisation ? G ESCP-EAP mag n°117…mars 2008

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