ESCP-EAP Mag - n°117 - Mars 2008 - 15

PUBLICATIONS CAMPUS ÉVOLUTION PROFESSIONNELLE MANAGEMENT-ENQUÊTE Nestlé, avec ses 75 milliards de dollars de chiffre d'affaires, ne pointe ainsi qu'à la 53 ème place du classement 2006 des plus grandes entreprises mondiales. Quant à l'industrie agroalimentaire française, elle s'enorgueillit de fortement contribuer à la bonne santé de la balance commerciale nationale en réalisant en 2006 un excédent supérieur (+ 8,7 milliards d’ ) à celui de l'industrie automobile (+ 5,7 milliards d' ). Défi 1 : la pénurie et le coût des ressources Nous allons vers la disparition de certaines ressources. Ainsi, la pénurie de gros poissons, conséquence directe de la sur-pêche mondiale et des changements climatiques, est déjà une réalité. Les experts les plus pessimistes prévoient dans la revue « Science » de novembre 2006 une extinction totale des stocks de poissons de mer d'ici 2050. L'explosion de la consommation mondiale a des conséquences dramatiques sur les espèces vivantes dont le cycle de reproduction est incapable de faire face à la taille de la capture annuelle. Mais l'été 2007 nous a envoyé un signal qui a résonné d'une toute autre façon : ce sont désormais des matières premières agricoles de base qui sont en pénurie. L’année dernière a vu ainsi une explosion du prix des céréales et du lait, liée à un déséquilibre de l’offre, concurrencée par les surfaces importantes désormais consacrées aux bio-carburants, et de la demande tirée par les pays émergents, avec en tête, comme toujours la Chine. Pour le lait, en particulier, considéré comme étant une production excédentaire pour toujours, quel choc ! Les opérateurs français vont ainsi payer le lait 39 % plus cher au 1er trimestre 2008 qu’ à la même période de 2007. Sachant qu’il nous faut 7 à 10 litres de ce précieux « or blanc » pour faire un kilo de fromage, sachant que cela représente de 60 à 75 % du prix de revient de nos produits, nous n’avons d’autre choix que de répercuter dans nos tarifs cette inflation vertigineuse, ainsi que le feront tous les fabricants soumis à l’inflation de leurs coûts. Le problème qui se pose à nous est double. Dans les pays développés, les consommateurs ont perdu l’habitude de consacrer à l’alimentation une part importante de leur budget. Ils en réservent la majeure partie aux dépenses contraintes (logement, transports), et aux dépenses de désir (télé- D.R. phone, écrans TV plats), en rognant sur la dépense alimentaire qui ne représente plus que 14 %, par exemple, du budget annuel d’un foyer français, contre 60 % au début du siècle dernier. Accepteront-ils la nouvelle donne du prix à payer pour se nourrir ? Pour les pays émergents, le problème est encore plus crucial. Les prix alimentaires ont ainsi progressé en Chine de 17 % en 2007. Le fragile accès à une alimentation saine et accessible pour la grande masse des consommateurs mondiaux sera-t-il menacé ? Certains n’hésitent pas aujourd’hui à pronostiquer une disette mondiale… Défi 2 : Nutrition et Santé, une obligation, un risque majeur pour notre culture ? Nous avons tous découvert aujourd’hui l’importance décisive de notre alimentation sur notre santé. Cela passe par une exigence absolue de sécurité, d’où découle une hygiène parfaite des aliments. Mais cela passe aussi par la recherche d’une alimentation « bonne pour la santé », qui retarde tout à la fois les effets inéluctables du vieillissement et protège des maladies. En découlent tout à la fois la déferlante de conseils de toutes sortes abondamment relayés par les médias, les régimes qui se contredisent tous, le PNNS (Programme National Nutrition Santé), la sur-abondance du marketing santé, et les bandeaux qui accompagnent chacun de nos films publicitaires en vous sommant de manger 5 fruits et légumes par jour. Quant aux emballages de vos produits quotidiens, ils sont devenus des romans consacrés à leurs vertus nutritionnelles supposées ! Derrière cette préoccupation tout à fait légitime se cache, qu’on ne s’y trompe pas, une véritable bataille économique où les pays du sud, et singulièrement la France, risquent tout simplement de laisser les pays anglo-saxons leur imposer, via la réglementation européenne, une culture alimentaire purement fonctionnelle qui détruirait un patrimoine culturel d’une richesse incomparable. Tous les experts sérieux sont en effet d’accord : la clé d’une alimentation saine réside dans l’équilibre alimentaire, c'est-à-dire que l’on peut manger de tout, de façon mesurée. Dès lors, il n’y a pas d’aliment diabolique, il n’y D.R. ESCP-EAP mag n°117…mars 2008

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