LA LETTRE TERRITORIALE DE L’AGENCE DE L’EAU SEINE-NORMANDIE - SEINE AVAL - N°10 - Décembre 2017 - 6

ACTEURS

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ENSEMBLE POUR
LE COMMERCE

'est un égout à ciel ouvert. L'eau
change de couleur tous les jours,
quand elle n'est pas recouverte de
mousse. Hormis quelques macrobactéries filamenteuses, rien ne
peut y vivre. L'odeur est parfois insupportable. » Voilà comment Paul Ferlin, alors
responsable du laboratoire de la Direction régionale de l'environnement (DIREN) de
Haute-Normandie, décrit l'état de la rivière du
Commerce dans les années 1980. « La rivière
était tellement polluée que les valeurs des paramètres détectés excédaient toutes les limites de nos
grilles de mesure. Le Commerce était considéré
comme le cours d'eau de plus mauvaise qualité de
tout le bassin Seine-Normandie », se souvient-il.
Trente-cinq ans d'histoire
Situé dans une zone très urbanisée et industrialisée, le cours d'eau recueille en effet, en
tête de bassin, de nombreux rejets, qui représentaient parfois jusqu'à 50 % de son débit !
En 1982, une première étude met en évidence,
au moyen de traceurs, une relation entre la
rivière et la nappe souterraine. Dans le cadre
des objectifs de qualité, des propositions sont
faites pour réduire les pollutions et éviter
d'éventuelles contaminations. Parmi ces propositions, une conduite d'évitement, un gros
collecteur, qui détournerait les rejets vers un
exutoire plus propice. À l'époque, les acteurs
temporisent. Ils préfèrent se concentrer sur
une meilleure performance des stations d'épuration et du réseau d'assainissement. Les an-

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- DÉCEMBRE 2017

nées passent, les indicateurs de suivi de la
qualité du cours d'eau restent dans le rouge.
« Il faut dire qu'outre son coût la réalisation de cette
conduite d'évitement posait de gros problèmes
techniques, en raison de la faible pente vers la
Seine, mais aussi et surtout du caractère très urbanisé du territoire qui rendait le tracé compliqué »,
résume Paul Ferlin, qui a suivi ce projet né de
ses conversations avec les techniciens de
l'Agence de l'eau. En 1998, le SAGE du Commerce voit enfin le jour, peut regrouper tous
les acteurs et usagers du bassin du Commerce
et les doter d'une structure pour porter ce projet qui doit non seulement remettre en bon
état le cours d'eau, mais aussi protéger les captages d'eau potable qu'il est susceptible de
souiller...
Une contamination des captages
« Les choses se sont précipitées en 2012, quand
l'ARS a détecté, dans la nappe souterraine, des
traces de N-Nitrosomorpholine, une substance
considérée comme potentiellement cancérigène.
Les industriels situés sur l'amont du Commerce
ont été pointés du doigt, et la préfecture de
Seine-Maritime a émis une recommandation pour
que l'eau des captages touchés ne soit plus consommée. La communauté de communes Caux vallée
de Seine a instauré une distribution de bouteilles
d'eau potable à la population pendant plusieurs
mois. Cet épisode un peu traumatisant a relancé
le projet de conduite d'évitement, qui devrait donc
bientôt aboutir », résume Paul Ferlin, qui regrette que la décision n'ait pas été prise plus

Avec son faible débit, le Commerce peine à supporter les rejets des collectivités
et des industries en amont de son bassin-versant. En outre, la rivère étant située
en zone karstique, des failles provoquent le transfert rapide d'une partie des
eaux de ce cours d'eau vers une nappe qui alimente des forages d'eau potable
importants, notamment ceux des agglomérations du Havre et de Caux-Vallée
de Seine. En 2012, une contamination des nappes avait conduit à suspendre
la consommation de l'eau potable dans certaines communes. Une solution
originale a été finalement retenue : une canalisation de douze kilomètres pour
convoyer les rejets épurés vers la Seine.

« Avec la conduite d'évitement,
non seulement le cours d'eau
va gagner en qualité, mais on
échappera aussi aux risques
de pollution accidentelle
de la ressource »
Paul Ferlin

tôt. « Mais je me réjouis, maintenant que je suis
à la retraite, à l'idée de voir réapparaître des poissons dans le Commerce, souligne-t-il malicieusement. Ces dernières années, des progrès notables ont été accomplis, et la rivière a retrouvé de
la vie, notamment dans sa partie aval. Avec la
conduite d'évitement, non seulement le cours d'eau
va gagner en qualité, mais on évitera aussi les
risques de pollution accidentelle de la ressource qui
produit l'eau potable. »
Une solution collective
Tous les acteurs se sont mis autour de la table
pour enfin régler le problème : l'administration
avec notamment le plein soutien de la DREAL
Normandie, de la DDTM de Seine Maritime,
de l'ARS, de l'Agence de l'eau ; de la collectivité
et des industriels. La solution retenue est finalement la suivante : une conduite d'une
douzaine de kilomètres de long qui recueillera

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