Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°65 - Septembre 2017 - 27

pées surtout à partir des années 1920 et 1930,
époque où la plupart de ces établissements ont
été construits. Elles ont connu leur apogée dans
les années 1950. Ma mère a appris à nager
dans la Marne, dans ces années-là. Les gens se
baignaient beaucoup dans les cours d'eau à
l'époque. Ils allaient nager près de chez eux, au
bout de la rue ! C'était un peu vaseux, mais l'eau
était propre et la boucle de Saint-Maur n'étant
pas navigable, la nature sauvage de cette partie de la rivière était préservée », souligne-t-il.
À cette époque, la Marne offre vingt-quatre
lieux de baignade de Saint-Maurice, aux
portes de Paris, près de la confluence avec
la Seine, jusqu'à Gournay, à une quinzaine
de kilomètres à l'est. Nulle part ailleurs en
Île-de-France on observe une telle concentration. La situation des boucles de la
Marne, en amont de Paris, a permis de tenir
à distance la pollution plus longtemps.

La grande époque
Les premières « baignades » sont aménagées à la fin du XIXe siècle, lieux de sport et
de détente pour les Parisiens en quête de
verdure, avec des pontons, des plages artificielles (le sable est renouvelé chaque année
après les crues d'hiver qui l'emportent) et
des bassins, sortes de nasses en bois. On
apprend à nager dans l'eau de la rivière, à
l'abri des courants et des tourbillons parfois
dangereux. Les activités sportives se développent au début du XXe siècle. La Marne
offre toutes les activités nautiques possibles
et pratiquées à l'époque : les clubs de natation et d'aviron voient le jour - certains
existent toujours, comme à Nogent-surMarne ou à Joinville-le-Pont. Ils organisent
des compétitions sportives. L'ambiance est
populaire et festive dans les guinguettes sur
les berges et sur les îles de la Marne, certaines habitées, d'autres sans constructions,
paradis sauvages, à quelques encablures de
la civilisation. Les classes populaires se retrouvent pour danser, boire et chanter,

La baignade de
Bouray-sur-Juine

La baignade
de Ris-Orangis

départementales de l'Esso
nne)

La baignade
de Viry-Chatillon

©Éditeur Photo-Édition
(Archives

Thomas Deschamps,

AUTEUR DE PLAGES EN VILLE, BAIGNADES EN MARNE

« Les gens se
baignaient beaucoup
dans les cours d'eau
à l'époque. Ils allaient
nager près de chez eux,
au bout de la rue ! »

©Editeur Raymon (Archives départementales de l'Essonne)

Événement

« Big Jump » : le grand saut

ous les ans depuis 2005, le syndicat
Marne Vive organise à la mi-juillet
le « Big Jump » à Saint-Maur,
un événement qui a lieu simultanément
dans toute l'Europe, coordonné par
l'association European River Network :
les habitants et les élus de Saint-Maur se
baignent, malgré l'interdiction datant de
1970. « La Marne est très agréable.
Du moment qu'il n'y a pas eu d'orages les
jours précédents, faisant ruisseler les eaux
de voirie, l'eau est parfaitement propre »,
raconte Thomas Deschamps, qui s'est
jeté à l'eau il y a deux ans. Marne Vive

comme dans La Belle Équipe, film de Julien
Duvivier avec Jean Gabin, sorti au cinéma
en 1936, l'année des premiers congés payés.

La fin d'un âge d'or
Après les années fastes de l'après-guerre,
pendant lesquelles chacun a à cœur de se
distraire pour oublier, les baignades de la
Marne sont peu à peu délaissées. « La pollution, l'urbanisation eﬀrénée de la banlieue
après-guerre, la concurrence des stations balnéaires de bord de mer ont eu raison du monde
perdu que constituaient guinguettes, baignades
sauvages ou municipales, canotiers, pique-niques un dimanche au bord de l'eau »,
regrette Thomas Deschamps. L'usage de la
baignade dans la rivière se perd. Les établis-

travaille à la reconquête de la rivière.
Son objectif : permettre à nouveau la
baignade entre Gournay et Alfortville,
à la conﬂuence de la Seine et de la
Marne, en 2022. « Les choses changent,
se réjouit Thomas Deschamps. On assiste
aujourd'hui à un ralentissement de la
pollution, à une meilleure gestion des eaux
usées et à une prise de conscience
collective, notamment de la part des
communes traversées par la Marne,
que cette dernière est peut-être autre
chose qu'un long ruban d'eau qui traverse
la morne couronne parisienne. »

sements ferment dans les années 1960, et
en 1970 la Marne est interdite à la baignade, pour cause de pollution excessive.
Les baignades, très fréquentées autrefois,
ont aujourd'hui toutes disparu, à l'exception
de la plage de Champigny, reconvertie en
base nautique, dernier vestige de cette belle
époque.
Laurène Champalle

En savoir plus
Plages en ville, baignades en Marne
de Thomas Deschamps, éditions Johanet, 2003.

SEPTEMBRE 2017 -

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