Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°63 - Décembre 2016 - 34

PORTRAIT

a vocation scientifique n'allait
pas de soi pour moi, et
l'océanographie non plus,
confie Didier Swingedouw. J'ai toujours aimé les sciences
bien sûr, mais je me suis aussi beaucoup intéressé à l'histoire, à la littérature... et puis ma passion première, c'est la montagne ! » La
découverte de la physique océanique - à l'occasion d'un travail
personnel en classe prépa au lycée
Corneille de Rouen - et celle des
romans de science-fiction d'Isaac
Asimov - dans lesquels l'auteur, lui-même
chercheur, explore l'idée d'une discipline qui
mélangerait toutes les connaissances pour
établir un modèle prédictif de l'histoire -
n'ont pas détourné Didier Swingedouw de sa
passion pour l'escalade, « formidable école d'endurance et de persévérance », qu'il continue de
pratiquer régulièrement. Elles l'ont par
contre, et fort heureusement, conduit à s'engager dans la voie de la recherche. Il travaille
aujourd'hui au CNRS au laboratoire Environnements et paléoenvironnements océaniques
et continentaux (Epoc) de Bordeaux, où il
étudie la dynamique de l'océan et du climat
à différentes échelles de temps. « L'océan est
la mémoire du climat et nous avions besoin de
l'intégrer à nos modèles pour comprendre les variations climatiques », explique l'océanographe.
Il a développé un sujet de recherche original
dans le domaine de la dynamique de la circulation thermohaline, autrement dit, la circulation à grande échelle des océans via les
courants marins, engendrée par les écarts de
température et de salinité des masses d'eau.
Des travaux qui lui ont notamment permis
d'expliquer les variations récentes de salinité
dans l'Atlantique nord par l'éruption en 1963
d'un volcan balinais. Et pour lesquels il a reçu,
en avril dernier, le grand prix de l'Académie
des sciences « Christian Le Provost ». Cette
distinction, créée en hommage à l'océanographe Christian Le Provost, est décernée
tous les deux ans à un jeune chercheur. Les
conditions d'éligibilité sont les suivantes :
être âgé de moins de trente-huit ans et avoir
contribué par ses travaux au développement
de la connaissance en océanographie physique et biogéochimique dans des domaines
aussi variés que le climat, les écosystèmes

- DÉCEMBRE 2016

« La recherche est
une activité qui
laisse une large
place à
l'imaginaire et
qui se nourrit des
rencontres avec
les autres
disciplines. »
Didier Swingedouw

DIDIER
SWINGEDOUW
Océanographe physicien,
chercheur au CNRS, Didier
Swingedouw étudie le passé
des courants océaniques
pour comprendre les impacts
futurs du dérèglement
climatique.

Trois dates qui ont marqué
son parcours

2006

Didier Swingedouw soutient sa thèse
de doctorat en océanographie physique
et biogéochimique à l'université
Pierre-et-Marie-Curie de Paris.

2009

Il intègre le CNRS en tant que chercheur
au Laboratoire des sciences du climat et
de l'environnement (LSCE de Gif-sur-Yvette)
et rejoint en 2013 le laboratoire
Environnements et paléoenvironnements
océaniques et continentaux (Epoc)
de Bordeaux.

2010

Il participe, à bord du navire océanographique
Thalassa, à la 5e campagne de mesure menée
dans le cadre de l'Observatoire de la
variabilité interannuelle et décennale
en Atlantique nord.

marins, l'exploitation des ressources minérales, vivantes ou énergétiques dans les systèmes côtiers et hauturiers. Dans la lignée de
ce grand bâtisseur de l'océanographie française dont il fut l'élève, Didier Swingedouw
conçoit l'océanographie comme une discipline
en prise directe avec les enjeux de société :
« Loin de l'image caricaturale du chercheur autiste enfermé dans sa tour d'ivoire, j'ai découvert
que la recherche est une activité qui laisse une
large place à l'imaginaire et qui se nourrit des
rencontres avec les autres disciplines. » Fort de
cette conviction, Didier Swingedouw n'hésite
pas à participer à des missions océanographiques de terrain, à travailler avec des économistes sur les conséquences de l'assèchement de la zone sahélienne sur les cultures
et à étudier avec des écologues danois et canadiens l'impact de la fonte massive de la
glace de mer sur la migration des poissons et
le déplacement des caribous. La fonte des
calottes glaciaires est d'ailleurs au cœur de
ses recherches, notamment celle du Groenland, « cet immense laboratoire à ciel ouvert dont
l'étude renseigne sur le passé et l'avenir de toute
la planète », qui constitue l'un de ses sujets de
prédilection. Des thématiques à retrouver
dans l'ouvrage collectif et pluridisciplinaire
dont il est coéditeur Le Groenland. Climat,
écologie et société, paru à la rentrée aux éditions du CNRS.
Catherine Salon

Lecture
Le Groenland. Climat, écologie et société, ouvrage collectif
de Valérie Masson Delmotte, Émile Gauthier, David
Grémillet, Jean-Michel Huctin et Didier Swingedouw,
CNRS éditions.

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