Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°63 - Décembre 2016 - 27

The Bridge of Life,
Walter Crane, 1884.

Illustration de L'Enfer,
de Dante, par Gustave
Doré. 1860.

Représentation de
la déesse Sequana.

« L'eau habite notre
inconscient comme
nos corps, et la relation
que l'homme entretient
avec elle n'a cessé
d'être animée
de fantasmes
immémoriaux. »

Jean-Louis Oliver,
SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
DE L'ACADÉMIE DE L'EAU

La plupart des mythologies associent l'eau
à la vie autant qu'à la mort. Symbole universel de fécondité et de fertilité, l'élément liquide est célébré au travers de nombreux
rites destinés à faire venir la pluie. Parce
qu'elle est un don du ciel et, ce faisant, un
don des dieux, les peuples pratiquent toutes
sortes de cérémonies - dont la célèbre danse
de la pluie des indiens Hopis - pour complaire aux divinités, les remercier, susciter
leur compassion et les persuader de maintenir l'abondance des pluies. Mais, dans la
mythologie aussi, de la pluie aux inondations il n'y a parfois qu'un pas. L'eau devient
alors mortifère. Les mythes de déluge sont
aussi bien présents dans les croyances indiennes, sumériennes, babyloniennes que
dans la Bible et le Coran. Lancée sur la terre
par des dieux en colère, l'eau met l'humanité en danger de mort mais la destruction se
fait purification puis renouvellement ; la
mort mène à une renaissance. De même,
les fleuves mythiques que sont le Styx et
l'Archéon sont des passages obligés vers
l'au-delà ou l'au-dessous qui révèlent le puissant pouvoir psychopompe de l'eau : elle
conduit les âmes dans l'autre monde.

À la vie, à la mort

En pratique

Dea Sequana, déesse de la Seine

omme de nombreuses rivières de
par le monde qui tiennent leur nom
des dieux qui les habitent, la Seine
doit le sien à la déesse Sequana. Oubliée
jusqu'à ce que les fouilles archéologiques
menées à partir 1864 ne mettent à jour
les vestiges d'un sanctuaire gallo-romain
qui lui était dédié, Dea Sequana fut
pourtant une déesse de grand prestige.
Son sanctuaire, situé aux limites de
l'actuelle commune de Source-Seine (21),
connut durant la période gallo-romaine
un succès comparable à celui de Lourdes

aujourd'hui. Les différentes campagnes
de fouille ont permis de retrouver la
source sacrée canalisée et deux bassins
destinés aux ablutions des pèlerins.
À côté des offrandes classiques de bijoux,
statuettes - dont la célèbre déesse à la
barque - et feuilles de bronze gravées,
des objets modestes comme des cailloux
de forme originale et des fossiles
témoignent de l'extraordinaire brassage
des pèlerins et attestent d'une croyance
en des vertus curatives de l'eau de la
Seine désormais oubliée.

Une infinité de rituels
Élément métaphysique par excellence, l'eau
permet de faire le lien entre l'humain et le
sacré. Elle joue à ce titre un rôle important
dans la purification spirituelle. Dans
l'Égypte ancienne, elle était utilisée par les
desservants de la déesse Isis dans leurs rituels de purification et, aujourd'hui encore,
les chrétiens orthodoxes et catholiques se
signent avec de l'eau bénite en entrant dans
une église. Les sources, les puits et les fontaines ne sont pas en reste. Habité par des
esprits bienveillants, chacun possède un

pouvoir de guérison particulier qui attire, à
Lourdes comme sur les rives du Gange, les
pèlerins.

Une puissance symbolique
intemporelle
« Même si les mythes ne sont plus présents au
quotidien, ils restent prégnants au niveau de
l'histoire individuelle et sont d'ailleurs largement repris dans la publicité et par les médias
dans les allégories telles que l'eau bienfaisante
des volcans ou encore les eaux immaculées des

glaciers, explique Agathe Euzen. La force de
purification, la puissance de l'eau sont restées
des valeurs symboliques bien plus grandes que
sa simple valeur économique ».
Catherine Salon

Références
* L'eau à découvert, sous la direction d'Agathe Euzen,
Catherine Jeandel et Remy Mosseri, CNRS éditions.
* Le livre des superstitions, Eloïse Mozzani,
éditions Robert Laffont.
DÉCEMBRE 2016 -

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