Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°61 - Juin 2016 - 11

cole qui demande du temps pour produire pleinement
ses effets. Nous manquons d'outils réglementaires pour
mettre en place une politique contractuelle alors que
l'efficacité de ce genre de démarche a largement été démontrée en Bavière. Il nous est par exemple interdit de
financer directement les agriculteurs pour les inciter à
changer leurs pratiques. Nos projets de rachat des terres
agricoles les plus sensibles pour nos captages ne sont
pas non plus soutenus par les services de l'État. Comme
de nombreuses collectivités locales, nous sommes poussés à opter pour des solutions curatives pourtant deux
fois plus coûteuses que les actions préventives.
B. C. : En tant qu'association mobilisée pour la protection de la biodiversité et de ses milieux, nous sommes
également convaincus de l'importance de la prévention.
Beaucoup de gens considèrent encore que la nature est
inépuisable et que seules quelques espèces emblématiques comme le panda et la barrière de corail sont en
danger. Or la science nous apprend que ce qui fait fonctionner l'environnement, ce sont aussi et surtout des
espèces « ordinaires », des micro-organismes, des insectes, etc. C'est pourquoi nos actions visent à sensibiliser un large public à la protection de la biodiversité
ordinaire. Pour mieux protéger les milieux et les espèces,
il importe que chacun se sente concerné là où il vit.

Quels appuis attendez-vous de l'État
ou des EPA, comme l'Agence de l'eau,
pour avancer sur ce sujet ?

D. R. : La question de la compensation pour aider

les agriculteurs à modifier leurs pratiques est primordiale. Les aides actuelles sont mal adaptées et permettent peu la transition vers le développement
d'une agriculture contractuelle, innovante, compatible
avec la préservation de la qualité de l'eau.
B. C. : Tandis que les Agences de l'eau multiplient les
actions et les programmes pour améliorer la qualité
de la ressource, 200 000 hectares de prairies disparaissent chaque année par manque d'incitations financières encourageant les agriculteurs à les préserver.
L'eau et les milieux aquatiques sont des biens publics.
L'État doit, sur ces questions, se placer dans une logique
de long terme et ne pas se comporter comme un investisseur privé cherchant une rentabilité immédiate.
Le capital naturel est un capital qu'il faut développer
aujourd'hui, pour demain.
Catherine Salon

Quelles sont les solutions pour concilier
ces deux enjeux ?

D. R. : Partant du constat qu'en matière de protection des
captages, les actions préventives sont moins onéreuses
mais plus bénéfiques sur le long
terme, nos plans d'action passent
par la mise en œuvre d'une poli- « Investir aujourd'hui
tique de soutien et de dévelop- dans le capital naturel
pement d'une agriculture biologique compatible avec la est la seule stratégie
préservation de la qualité de réaliste pour préparer
l'eau et tournée vers les circuits l'économie de
de distribution de proximité,
comme notre restauration collec- demain. »
tive par exemple. C'est un projet Bernard Chevassus-au-Louis
de territoire dans lequel protection de l'environnement et développement de l'économie locale vont de pair.
B. C. : Cette approche par secteur économique (agriculture, transports, urbanisme) est très intéressante parce
qu'elle permet, plutôt que de faire l'inventaire des points
de divergence, de travailler sur ce qui est commun et de
trouver des solutions viables économiquement. Ce qui
est également très important, pour la biodiversité
comme pour l'eau, c'est de raconter les « success stories »,
ces cas concrets où nous avons voulu et su réparer des
milieux. La restauration de la Seine est un très bon
exemple puisque de trois espèces de poissons à Paris
dans les années 1970 nous sommes aujourd'hui à plus
de trente.

Le président
ď association

BERNARD
CHEVASSUS-AU-LOUIS
Après une carrière dans le monde de la
recherche, et notamment à l'Institut national
de la recherche agronomique, Bernard
Chevassus-au-Louis est aujourd'hui
président de l'association Humanité et
biodiversité. Il est également
membre du Comité de
bassin.

JUIN 2016

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