Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°60 - Décembre 2015 - 20

INTERVIEW

AGNÈS DUCHARNE

« L'eau et son partage,
des questions d'actualité
et de prospective »
Agnès Ducharne est directrice de recherche au CNRS
et membre du conseil scientifique du Comité de bassin
Seine-Normandie. Elle mène depuis quinze ans des recherches
sur les impacts hydrologiques du changement climatique.

Vos travaux portent sur l'hydrologie des surfaces
continentales et ses relations avec l'environnement
et l'anthropisation, de quoi s'agit-il ?
AGNÈS DUCHARNE : Le travail de l'hydrologue est à la fois
analytique et prospectif. Il s'agit tout d'abord de quantifier
la ressource en eau, c'est-à-dire la quantité d'eau disponible
à un moment et sur un territoire donné, pour les écosystèmes
et les usages humains. Il s'agit également d'évaluer les risques
d'événements hydrologiques extrêmes tels que les sécheresses ou les inondations. Il faut pour cela quantifier les
phénomènes de ruissellement, d'évaporation et d'infiltration
tout en prenant en compte le stockage de l'eau dans les sols,
les nappes souterraines et sous forme de neige et de glace.
La situation évolue selon les saisons. En Europe, nous dis-

« Tous les résultats que nous
avons pu obtenir laissent
penser que, dans les années
à venir, nous aurons à faire
face à une baisse de la
ressource en eau. »
Agnès Ducharne

DIRECTRICE DE RECHERCHE AU CNRS ET MEMBRE DU CONSEIL
SCIENTIFIQUE DU COMITÉ DE BASSIN SEINE-NORMANDIE

DÉCEMBRE 2015

posons de ressources plus importantes en hiver
qu'en été. Le couvert végétal transpire alors
beaucoup, ce qui réduit les quantités d'eau liquide disponibles pour les autres usages comme
l'irrigation des cultures, la production d'eau
potable, les activités de refroidissement, les
activités récréatives, la production d'énergie...
Le lien entre hydrologie continentale et environnement
résulte simplement du fait que les sociétés humaines partagent les ressources en eau avec les écosystèmes. Les
forêts et les cultures sont les plus grandes consommatrices
d'eau de la planète. Viennent ensuite les écosystèmes aquatiques et la faune terrestre qui, en dehors de l'homme, a
un impact relativement marginal. Cet impact des activités
humaines, ce qu'on appelle l'anthropisation, est nécessairement pris en compte dans les recherches sur l'environnement depuis qu'il est établi que l'homme change le climat
et qu'il est responsable de la 6e extinction animale massive,
dernière en date depuis la disparition des dinosaures1.
Dans le domaine de l'eau, les activités humaines sont même
le facteur d'évolution principal des ressources et des
risques, sur le plan quantitatif - avec les pompages, les
aménagements hydrauliques, le drainage ou au contraire
l'imperméabilisation des sols - et qualitatif via la pollution.
Quels enseignements peut-on tirer de ces
recherches quant à l'impact du changement
climatique sur la ressource en eau à l'échelle du
bassin-versant de la Seine ?
A.D. : Tous les résultats que nous avons pu obtenir laissent
penser que, dans les années à venir, nous aurons à faire
face à une baisse de la ressource en eau tant au niveau des
nappes que des cours d'eau. Les études montrent que les

Parcours

1990

Découvre l'écologie
scientifique à l'École
normale supérieure.

1997

Thèse sur l'hydrologie
continentale et ses
interactions avec le
climat.

2001

Premier projet de
recherche dans le
cadre du programme
Gestion et impacts
du changement
climatique.

2014

Est élue membre
correspondant de
l'Académie
d'agriculture de
France.

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