Confluence, le magazine de l’Agence de l’eau Seine-Normandie - N°59 - Août 2015 - 20

INTERVIEW

ÉRIC RODEZ :

« Il nous faut dépasser
les visions partisanes »
Viticulteur bio, vice-président de la Chambre
d'agriculture de la Marne, membre du Comité de
bassin, Éric Rodez prône une évolution des pratiques
agricoles basée sur une approche territoriale
et concertée.

La prise en compte de l'environnement
est-elle, selon vous, aujourd'hui bien
intégrée par le monde agricole ?

ÉRIC RODEZ : La prise de conscience est réelle. Au-

jourd'hui, plus aucun professionnel digne de ce nom
n'ignore les questions environnementales. Chaque agriculteur est un professionnel et aussi un citoyen. Nous
sommes arrivés à un moment où nous devons faire face
à une évolution climatique dont les effets sont visibles
sur nos exploitations. Au-delà de la prise de conscience
de notre impact sur le sol, l'air, l'eau potable ou celle des
rivières, le paysage ou la biodiversité, nous devons concrètement faire évoluer nos pratiques. Comme tous les changements, c'est une démarche complexe qui peut parfois
sembler un peu laborieuse. Nous sommes, de ce point de
vue, dans la même situation que tous les autres profes-

« L'engagement du monde
agricole sur la question
de l'eau est réel mais il reste
trop souvent méconnu. »
Éric Rodez

VITICULTEUR BIO

AOÛT 2015

sionnels et citoyens de la planète. L'urgence
à agir est réelle, mais la pression économique
et la difficulté à élaborer des stratégies concertées restent des freins importants.

Comment faire évoluer
durablement les pratiques
agricoles ?

E.R. : Pendant trop longtemps, nous avons eu tendance

à réfléchir de manière monodimensionnelle, voire pour
certains à camper sur des positions dogmatiques. Cette
attitude a été notre pire ennemie et nous devons la
changer. Pour moi, ce qui est fondamental, c'est d'écouter et de prendre en compte la problématique de l'autre
qu'il s'agisse d'une collectivité, d'un industriel, d'un
consommateur ou d'un agriculteur. Chaque décision a
obligatoirement des conséquences dans d'autres domaines. Prenons l'exemple de la protection des aires de
captage. Si l'on considère uniquement l'utilisation et le
stockage de matière organique sous l'angle du risque
potentiel, la mesure la plus simple serait d'interdire
purement et simplement l'épandage de fumier sur ces
périmètres. Ce qui reviendrait à interdire l'agriculture
biologique, qui n'utilise que de l'azote organique. On
voit là combien il devient urgent de sortir de cette logique de réflexion compartimentée.

Ce changement de paradigme est-il déjà
en marche ?

E.R. : Indirectement, j'en suis la preuve. Je travaille dans

un département, la Marne, qui pratique une agriculture
essentiellement céréalière très énergivore. Or, j'y ai été
élu vice-président de la Chambre d'agriculture. Cela

Parcours

1982

Retour sur
le domaine
viticole familial
à Ambonnay (51).

1989

Changement des
pratiques d'entretien
du sol. Abandon
du désherbage
chimique.

2008

Engagement vers
la certification
dans la viticulture
biologique et
biodynamique.

2012

Le domaine des
champagnes Rodez
est la première
exploitation agricole
française à être
certifiée « haute
valeur environnementale ».

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