Revue LGDJ - Revue générale du droit des assurances n° 1-2015 - 42
Assurances de risques divers
Assurance des avocats
111s9
ASSURANCE DES AVOCATS
Assurance « nonreprésentation des
fonds » : restituer un
trop perçu n'est pas
rembourser
Une cour d'appel retient à bon droit qu'un
avocat n'étant condamné à payer à son client
qu'une somme trop perçue à son bénéfice, il
n'est pas fondé à appeler en garantie l'assureur couvrant contre le risque de non-représentation des fonds.
Cass. 2e civ., 20 nov. 2014, no 13-22139
Par Luc Mayaux
Professeur à l'université Jean-Moulin (Lyon 3)
111s9
P
our comprendre comment le juge en est arrivé à la subtile
distinction évoquée dans l'intitulé de ce commentaire, il faut
en revenir à la clause litigieuse figurant dans une assurance
« non-représentation des fonds par un avocat » souscrite au profit
de qui ces fonds appartiendront (qui est une assurance de choses
bénéficiant aux clients de cet avocat et pas à celui-ci, lequel n'a donc
ni la qualité d'assuré ni, comme il le prétendait ici, celle de tiers lésé :
v. L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 27, al. 2 ; D. n° 91-1197, 27 nov.
1991, art. 207). En l'espèce, étaient contractuellement exclus les frais
et honoraires versés à l'avocat à l'exception du remboursement des
provisions versées pour engager une procédure ou effectuer des formalités (v. le texte du pourvoi). Au plan probatoire, c'était donc à l'assureur de prouver que les sommes versées à l'avocat étaient des frais
ou des honoraires (car c'est à lui d'établir les conditions de fait d'une
exclusion : jurisprudence constante depuis Cass. 1re civ., 15 oct. 1980
et 22 oct. 1980 : RGAT 1981, p. 51, note A. Besson ; JCP 1981. II. 19611,
note J. Bigot). Et c'était au bénéficiaire de l'assurance de prouver que
ces sommes (supposées être des frais ou des honoraires) avaient été
versées à titre de provisions pour engager une procédure ou effectuer des formalités, autrement dit que les circonstances de l'espèce
entraient dans cadre de l'exception. En l'occurrence, les sommes
étaient destinées, d'après le client, à rémunérer des avocats spécialisés, notamment fiscalistes. Mais, il ne s'agissait là que d'une allégation, la seule certitude étant que les chèques avaient été faits par le
client à son avocat lors d'une visite de ce dernier à la prison et qu'ils
avaient été signés moyennant la promesse, faite par l'avocat, d'obtenir la libération de leur auteur (v. le texte du pourvoi). Mais la cause
précise de cette remise restait mystérieuse. Avait-on affaire à des
frais - d'évasion ? On n'espère pas -, ce qui rendait l'exclusion applicable, à défaut pour le bénéficiaire de l'assurance de pouvoir prouver
leur nature de provisions et donc qu'il se trouvait dans le cadre de
l'exception ? Ou la cause était-elle totalement indéterminée et alors
la garantie semblait due, à défaut pour l'assureur de pouvoir prouver
qu'il s'agissait de frais ou d'honoraires et donc que les circonstances
de fait de l'exclusion étaient réunies ? On le voit, comme toujours
en matière de charge de la preuve, on se trouvait face à un doute,
la question étant de savoir s'il se situait au plus haut niveau ou à un
niveau intermédiaire.
La deuxième chambre civile, plutôt que d'entrer dans le débat, préfère opter pour une autre voie. Elle approuve les juges du fond d'avoir
retenu que l'avocat n'était condamné à payer à son client qu'une
« somme trop perçue à son bénéfice ». Ce faisant, elle semble bien
quitter le domaine du contrat pour celui de la loi en sous-entendant
qu'une telle condamnation n'entrait pas dans le champ d'application
de l'assurance « non-représentation des fonds », à caractère obligatoire. Mais pourquoi en irait-il ainsi ? La seule explication est de considérer, contre l'avis du pourvoi, que les fonds n'ont pas été versés à
l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle de l'avocat (pour
paraphraser l'article 207 du décret du 27 novembre 1991 précité, qui
est évoqué dans l'arrêt). L'idée serait que ce qui a été perçu en trop et
doit donc, pour cette raison, être restitué par l'avocat n'est pas causé
par l'exercice de son activité. Et il en irait ainsi car cette cause n'existait pas (ou, à tout le moins, elle n'a pu être prouvée) lors du versement des sommes à l'avocat et pas seulement lors de leur restitution
au client. À l'inverse, quand l'avocat perçoit des honoraires, mais doit
les rembourser en vertu d'une convention d'honoraires de résultats
(le résultat n'ayant pas été obtenu), l'assurance pourrait jouer (sauf
exclusion contractuelle), car les fonds ont bien été versés à l'avocat à
l'occasion de l'exercice de son activité (v. L. Mayaux, note sous Cass.
2e civ., 30 avr. 2014, n° 13-16557 : RGDA, juin 2014, p. 355, n° 110v8,
l'arrêt ayant trait pour sa part à l'assurance de responsabilité professionnelle). Il faudrait donc distinguer le véritable indu (présente
espèce), où la « cause professionnelle » n'a jamais existé, de l'indu
a posteriori où elle a disparu (espèce ayant donné lieu à Cass. 2e civ.,
30 avr. 2014, préc.). Ce serait le sens de l'expression « trop perçu » qui
désignerait une somme qui a été versée en trop dès sa perception et
pas seulement qui apparaîtrait comme telle ultérieurement, notamment au moment d'un remboursement. Cela justifierait de distinguer
« répétition » et « remboursement » (seul terme utilisé par la loi du
31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991 précités) car
ce remboursement porterait, au contraire, sur des sommes versées
initialement à titre professionnel.
Toutefois, cette casuistique est trop raffinée pour convaincre. Elle se
heurte, en effet, à deux considérations. La première, d'ordre textuel,
est que, même si le décret du 27 novembre 1991 parle effectivement
de « remboursement », c'est trop le solliciter que de lui faire dire que
le versement fait à l'avocat doit avoir une cause professionnelle (avec
cette conséquence qu'un versement sans cause est nécessairement
sans cause professionnelle). Comme on l'a dit, le texte évoque seulement des fonds reçus « à l'occasion de l'exercice » de l'activité
professionnelle de l'avocat. L'expression est doublement vague : par
l'utilisation du terme « exercice » (ce qui est reçu dans l'exercice
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