Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - 13

Théorie générale des sources

mots du Président de la République, un "choc de simplification" au
bénéfice des entreprises, afin d'alléger les contraintes administratives susceptibles de les détourner de leur activité de production
et d'entraver leur compétitivité. Cette volonté de simplification doit
par ailleurs profiter aux usagers de l'Administration qui bénéficieront
de mesures destinées à faciliter leurs démarches et à poursuivre la
modernisation de l'action publique. Elle doit désormais conduire le
législateur à favoriser l'accessibilité et l'efficacité de la règle de droit,
en particulier dans un domaine régissant quotidiennement les relations entre personnes physiques ou morales, le droit des contrats, le
régime et la preuve des obligations »(42) . Si l'on met à part les deux
premières phrases qui n'ont guère de rapport avec la réforme du
droit des obligations et de la preuve - tant il est vrai que la réforme
du Code civil n'a pour objet ni «  d'alléger les contraintes administratives » qui pèsent sur les entreprises et « entravent leur compétitivité  », ni de «  profiter aux usagers de l'Administration  » afin de
«  faciliter leurs démarches  »  -, reste donc, dans ces éléments liminaires, un seul motif de procéder à la réforme : favoriser l'accessibilité et l'efficacité de la règle de droit. On l'aura noté, rien n'est dit, ni
ici, ni d'ailleurs ultérieurement dans l'étude d'impact, ni même dans
l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation, de la raison particulière qui justifierait le recours à une ordonnance. Pourtant, celuici se justifie traditionnellement soit par l'urgence, soit par l'extrême
complexité technique de la réforme à accomplir, soit encore par la
crainte d'avoir un débat politiquement difficile(43) . En l'occurrence,
non seulement aucune de ces justifications ne semble caractérisée,
mais l'étude d'impact, qui pourrait aborder la question de la méthode
législative et non pas seulement de la nécessité de la réforme, ne
prend même pas le soin d'avancer un motif de façade, ce qui montre
à quel point la procédure de l'article 38 ne semble plus ressentie par
le Gouvernement comme un dérèglement institutionnel.
8. Quoi qu'il en soit, après ce bref prélude, l'étude d'impact est
divisée en cinq points successifs  : «  état des lieux  »  ; «  objectif  »  ;
«  options  »  ; «  impacts  » et «  consultations  ». Au titre de l'«  état
des lieux  », qui forme l'une des rubriques les plus «  étoffées  » du
document(44) , l'on apprend d'abord  - il fallait bien pour cela une
« expertise rigoureuse » - que « le Code civil demeure le socle d'une
société française en mouvement » (on croirait lire l'affiche d'un candidat en campagne), ce qui explique les diverses réformes dont il a
fait l'objet depuis le début des années 2000. Or, « force est de constater que le fondement même des échanges économiques sur le territoire national, le droit commun des obligations, est pour l'essentiel
issu du Code Napoléon de 1804.  » Puis, l'étude d'impact énumère
les articles du Code civil qui «  datent de plus de deux siècles  » et
qui forment ce droit commun. Des dispositions «  complétées par
une jurisprudence certes abondante, mais, par essence, fluctuante,
voire incertaine, et donc source de complexité, d'insécurité juridique
et de contentieux  »  - aucune donnée concrète ne vient cependant
étayer cette dernière assertion  -, de sorte que le droit des obligations est devenu «  peu accessible au non-spécialiste  ». Par conséquent, la réforme « permettra de simplifier la vie de l'ensemble des
praticiens du droit, dont les entreprises, en particulier les PME non
dotées de services juridiques » - à nouveau, aucune donnée concrète
n'est fournie sur la réalité factuelle des obstacles que ces entreprises

(42) Étude d'impact, 26 nov. 2013, p. 70.
(43) Y. Jégouzo, « De l'usage immodéré des ordonnances » : AJDA 2006, p. 1297.
(44) Étude d'impact, 26 nov. 2013, préc., p. 70-75.

éprouvent aujourd'hui. En revanche, l'on retrouve ici le leitmotiv
passe-partout - qui a déjà convaincu le Conseil constitutionnel(45) et
qui devrait à nouveau le satisfaire s'il venait à être saisi du contrôle
de constitutionnalité de la loi d'habilitation par des parlementaires
soucieux de voir respecter l'équilibre habituel des pouvoirs  -  : la
modernisation du Code civil conduira « le Gouvernement à se conformer à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité du
droit, qui garantit la sécurité juridique de chaque citoyen. » L'étude
de «  l'état des lieux  » se poursuit par une sous-rubrique intitulée
« Une réforme attendue au plan national », qui énumère les différents
projets académiques élaborés sous l'impulsion de Pierre Catala et
de M.  François Terré, lesquels ont été, l'étude le rappelle, soumis à
l'analyse des « acteurs de la vie économique et juridique ». Mais que
les parlementaires se rassurent, « la réforme du droit des obligations
ne constitue pas une préoccupation purement universitaire. Ainsi la
Chambre de commerce et d'industrie de Paris l'a-t-elle appelée de
ses vœux en 2006. » Ils n'en sauront cependant pas davantage sur
ce point, l'étude ne procédant à aucun recensement des professionnels consultés. Fort heureusement, le document livre ensuite une
information précieuse que seule une évaluation ambitieuse pouvait
mettre au jour : « La société française du XXIe siècle ne saurait être
régie par des règles du début du XIXe  siècle  »(46) . Par conséquent,
« le présent projet de loi permettrait au Gouvernement de s'atteler
à cette tâche, sur la base des travaux menés par la Chancellerie, qui
tiendront compte des observations des principaux intéressés », lesquels ne sont pas plus identifiés que cela. S'ensuit la troisième et dernière sous-rubrique de cet « état des lieux », intitulée « Une réforme
à portée internationale  ». Deux tableaux de synthèse dressent la
liste des pays ayant réformé récemment leur droit des obligations
ou entrepris de le faire, et l'étude, qui énumère brièvement les différents projets d'harmonisation du droit européen et international des
contrats, met ici l'accent sur la dimension politique de la réforme au
regard du projet de règlement relatif au droit commun européen de la
vente : « Une modernisation du droit français des contrats permettrait
assurément au Gouvernement de demeurer une force de proposition
crédible dans le cadre de ces négociations. » De même, sur le plan
du droit international privé, un droit des contrats «  lisible et prévisible » « constituerait assurément un facteur susceptible d'attirer les
investisseurs étrangers et les parties qui souhaiteraient rattacher leur
contrat au droit français. » Une référence est ensuite faite à la mauvaise évaluation du droit français « de l'exécution des contrats » par
le rapport Doing Business de la Banque mondiale de 2004, évaluation
que la réforme projetée serait susceptible de modifier dans un sens
positif. En revanche, les parlementaires ne sauront rien du rapport
Doing Business de 2014 dans lequel le droit français des contrats
obtient un excellent classement puisqu'il se hisse au septième rang
mondial(47) . Et ils sont invités à croire sur parole l'étude d'impact qui
assure, sans données chiffrées à l'appui mais avec l'autorité attachée
à la citation de l'extrait d'un rapport de la Chambre de commerce et
d'industrie de Paris de 2008, que « l'impact et les retombées économiques attendus d'une telle réforme sont loin d'être négligeables. »
(45) Cons. const., 16 déc. 1999, n° 99-421 DC.
(46) On notera l'absence totale de perspective historique qui aurait dû conduire
les auteurs de l'étude d'impact, d'une part, à souligner qu'un grand nombre de ces
règles, issues du droit romain, sont en réalité bien plus anciennes et, d'autre part, à
distinguer l'épaisseur historique des règles de droit de leur anachronisme.
(47) En 2012, le droit français avait été classé au sixième rang. Sur ce bon classement, v. L. Usunier, « Le rapport Doing Business 2012, La concurrence des systèmes
juridiques et l'attractivité du droit français des contrats » : RDC 2012, p. 575.

Revue des contRats 2 - Juillet 2014

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