Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - 12

Théorie générale des sources

ou en présence d'une étude d'impact insuffisante(30) . Et, ce qui vaut
pour les projets de loi ordinaires vaut également pour les projets de
loi habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances : le recours
à la procédure de l'article 38 ne dispense donc pas le Gouvernement
d'assortir son projet de loi d'une évaluation préalable(31) . On le voit,
les conditions institutionnelles semblent bien réunies pour faire de
cet outil un instrument de premier plan dans l'objectif de revalorisation du rôle du Parlement, l'étude d'impact visant à mieux l'éclairer
en mettant à sa disposition un travail d'expertise sérieux avant le
vote de la loi, ce qui est de nature, suivant un processus présupposé
vertueux(32) , à lui permettre de mieux contrôler et évaluer les politiques publiques.
6. Mais ce n'est pas tout. C'est aussi son contenu ambitieux qui porte
à voir dans l'étude d'impact un outil a priori efficace de rénovation
de nos pratiques normatives et institutionnelles. En effet, suivant l'article 8 de la loi organique, les études d'impact « définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi, recensent les options possibles en
dehors de l'intervention de règles de droit nouvelles et exposent les
motifs du recours à une nouvelle législation. » Le texte poursuit en
énumérant les différents éléments que les études d'impact doivent
exposer avec «  précision  », parmi lesquels figure «  l'évaluation des
conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des
dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations
publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en
indiquant la méthode de calcul retenue »(33) . Le spectre de l'évaluation requise est donc très large - avec une mention particulière pour
l'estimation du coût financier des réformes qui traduit l'influence de

(30) Cons. const., 11 févr. 2010, n° 2010-603 DC. Et sur ce point, v. spéc. P. Blachèr,
Les études d'impact dans la procédure législative, in M. Philip-Gay (dir.), Les études
d'impact accompagnant les projets de loi, op. cit., p. 51 et s., qui souligne que l'absence d'étude d'impact est susceptible de constituer un vice d'inconstitutionnalité
externe de la loi.
(31) En effet, les projets de loi d'habilitation ne font pas partie des exceptions,
énumérées par l'article 39, à l'obligation faite au Gouvernement de présenter
une étude d'impact préalable. Sur ce point, G. Protière, « L'exception à l'obligation
d'études d'impact », in M. Philip-Gay (dir.), Les études d'impact accompagnant les
projets de loi, op. cit., p. 63 et s.
(32) B.-L. Combrade, « À qui profite l'étude d'impact ? », préc. : la « confiance dans
le caractère vertueux de ce nouveau dispositif explique sans doute que la réforme
n'ait pas suscité un vif intérêt lors des débats dans les hémicycles. »
(33) Les autres rubriques sont les suivantes : « l'articulation du projet de loi avec
le droit européen en vigueur ou en cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre
juridique interne ; l'état d'application du droit sur le territoire national ou dans le ou
les domaines visés par le projet de loi ; les modalités d'application dans le temps
des dispositions envisagées, les textes législatifs et réglementaires à abroger et
les mesures transitoires proposées ; les conditions d'application des dispositions
envisagées dans les collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution,
en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, en
justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et l'absence d'application
des dispositions à certaines de ces collectivités  ; l'évaluation des conséquences
des dispositions envisagées sur l'emploi public  ; les consultations qui ont été
menées avant la saisine du Conseil d'État ; s'il y a lieu, les suites données par le
Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental. » Une
circulaire du 15 avril 2009 détaille la procédure d'élaboration de l'étude d'impact.
En outre, une circulaire du 17 février 2011 précise le contenu des évaluations préalables requises pour les projets de textes réglementaires concernant les entreprises et les collectivités territoriales. Elle comporte des modèles de fiche d'impact.
Deux circulaires des 23 août et 4 septembre 2012 prévoient que l'étude d'impact
comporte, s'il y a lieu, une évaluation des répercussions du texte projeté en termes
d'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que de la nécessité d'adopter des
mesures adaptées aux personnes handicapées.

278

Revue des contRats 2 - Juillet 2014

l'analyse économique du droit sur le processus de l'élaboration des
normes(34)  - et son degré d'approfondissement élevé. C'est une véritable expertise préalable qui doit être produite : « les études d'impact
se veulent des documents techniques, fournissant une démonstration étayée par les faits (evidence based) selon une méthode rigoureuse »(35) . Des moyens méthodologiques conséquents semblent bien
avoir été mis en place pour relever ce défi. En effet, «  dès 2009, le
secrétariat général du Gouvernement s'est engagé en ce sens en
mettant au point, avec toutes les administrations concernées, des
lignes directrices méthodologiques pour la réalisation des études
d'impact des projets de loi, en constituant un réseau de services
susceptibles de contribuer à ces études et en mutualisant des ressources utiles dans un extranet accessible à tous les agents de l'Administration »(36) . Aussi l'étude d'impact ne doit-elle pas être confondue avec un simple exposé des motifs, dont l'objet est seulement de
« présenter les principales caractéristiques du projet et de mettre en
valeur l'intérêt qui s'attache à son adoption  »(37) . L'étude d'impact,
elle, est non seulement plus longue et plus riche, mais surtout elle
est une aide préalable à la décision politique. À cette fin, elle doit être
engagée en amont, dès les premiers stades de la préparation d'une
réforme(38) qui n'est encore à cet instant qu'éventuelle, ce qui est une
condition indispensable pour que l'initiateur de l'étude puisse le cas
échéant renoncer à la poursuite de son projet à la lumière des résultats de l'évaluation(39) . En définitive, l'étude d'impact « ne saurait se
comprendre ni comme un exercice formel de justification a posteriori
d'une solution prédéterminée, ni comme une appréciation technocratique de l'opportunité d'une réforme qui viendrait se substituer
à la décision politique. Il s'agit au contraire d'une méthode destinée
à éclairer les choix possibles, en apportant au Gouvernement et au
Parlement les éléments d'appréciation pertinents »(40) . L'ambition, on
le voit, est élevée mais a priori d'autant plus justifiée dans le cadre
de la procédure par ordonnance dans laquelle le Parlement se trouve
privé de la possibilité de débattre du fond du texte.
7. À la lumière de ces attentes, l'étude d'impact jointe au projet de
loi habilitant le Gouvernement à réformer le droit des obligations par
ordonnance déçoit. Sa qualité est médiocre(41) . Les développements
relatifs à l'article 3 du projet (« simplification du droit des contrats, du
régime et de la preuve des obligations  ») s'étendent sur dix pages.
Ils s'ouvrent sur une brève introduction, qui enchaîne les slogans
bureaucratiques : « Le Gouvernement a souhaité engager, selon les
(34) En témoigne le développement des indicateurs mis au point pour évaluer le
coût du droit pour certains acteurs, parmi lesquels figure l'outil « OSCAR », développé par l'inspection générale des finances et visant à mesurer les impacts économiques des charges administratives pesant sur les entreprises.
(35) J.-P.  Balcou, «  Les études d'impact  : mieux légiférer par l'évaluation préalable », in M. Philip-Gay (dir.), Les études d'impact accompagnant les projets de loi,
op. cit., p. 95 et s., spéc. p. 101.
(36) Rép. min. à QE n° 34868 : JOAN Q. 3 déc. 2013, p. 12604.
(37) Suivant les termes de Cons. const., 9 avr. 2009, n° 2009-579 DC, consid. n° 11.
(38) Ibid., où le Conseil constitutionnel a censuré la disposition de la loi organique
qui prévoyait que l'étude d'impact devait être réalisée « dès le début de l'élaboration des projets de loi ». Une circulaire du 15 avril 2009 a heureusement réintroduit
une disposition similaire.
(39) Soulignant cet aspect, v. A. Haquet, « Les études d'impact des projets de loi :
espérances, scepticisme et compromis », préc.
(40) Guide de légistique, 1.1.2 Études d'impact, version 18 oct. 2012, accessible
sur le site Legifrance.
(41) Ce n'est pas l'avis du rapporteur de la commission des lois du Sénat, qui
relève, «  la situation étant assez rare pour le souligner, que l'étude d'impact est
exhaustive, claire et bien construite  » (Rapp. Sénat n°  288, 15  janv. 2014, préc.,
p. 105).



Table des matières de la publication Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014

Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014

Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 1)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 2)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 3)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 4)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 5)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 6)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 7)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 8)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 9)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 10)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 11)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 12)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 13)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 14)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 15)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 16)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 17)
Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - (Page 18)
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-02995-5
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15133-5
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15129-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15061-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15058-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15128-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15132-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15060-4
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-02994-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15057-4
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15127-4
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15131-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11751-5
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-02983-2
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-15056-7
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11685-3
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11750-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11747-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11749-2
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11746-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11719-5
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11748-5
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11718-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11088-2
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11680-8
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-11717-1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-02973-3
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/978-2-275-02972-6
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/RGDA-6-2015_112g1
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/RGA_1-2015
https://www.nxtbook.com/lextenso-editions/LGDJ/RDC_2014-2
https://www.nxtbookmedia.com