Revue LGDJ - Revue des contrats n° 2-2014 - 11

Théorie générale des sources

le Parlement »(17)  - que la réforme du droit commun des obligations
méritait un débat parlementaire. L'examen de l'étude d'impact jointe
au projet de loi d'habilitation enregistré à la présidence du Sénat le
27 novembre 2013 dément cependant cette interprétation et invite
à mettre sérieusement en doute l'utilité spécifique d'un tel outil au
regard de la pratique qui en a été ici faite.

préalable aux projets de loi et aux principaux projets de décret(22) .
Inspirés par les pratiques étrangères qui ont fait une large place aux
mécanismes d'évaluation préalable dans un contexte général de lutte
contre l'inflation normative, différents rapports ont alors préconisé de
« redonner une chance »(23) à l'étude d'impact(24) , devenue une vitrine,
parmi d'autres, des droits supposés compétitifs.

4. Ce constat est d'autant plus regrettable que, de façon générale,
les études d'impact(18) sont perçues comme étant des vecteurs de
démocratie et d'amélioration de la qualité du droit. Aussi leur pratique, d'abord initiée aux États-Unis, au Canada ou au RoyaumeUni, s'est-elle ensuite répandue dans la plupart des pays occidentaux, notamment à l'invitation, à partir du milieu des années 1990,
de l'OCDE(19) . Sur le plan européen, les études d'impact constituent
depuis plusieurs années l'une des pierres angulaires de la politique
menée par la Commission dans le cadre de l'initiative « Mieux légiférer  »  : selon celle-ci, toute proposition législative est accompagnée d'une analyse de ses incidences économiques, sociales et
environnementales(20) . Pour ce qui concerne la France, les études
d'impact sont apparues initialement au cours des années 1970 dans
le domaine de l'environnement afin d'évaluer les répercussions

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a franchi le pas en rendant son usage contraignant. Depuis lors, l'article 39, alinéa 3, de la
Constitution énonce en effet que « la présentation des projets de loi
déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique. » Cette loi organique, adoptée le
15 avril 2009(25) , impose au Gouvernement de transmettre au Conseil
d'État et au Parlement une étude d'impact à l'appui de ses projets
de loi. Depuis le 1er  septembre 2009, près de 370 études d'impact
ont été rédigées(26) . Elles sont librement accessibles en ligne. Suivant
une démarche participative, en application de l'article  83 du règlement de l'Assemblée nationale(27) , chaque citoyen peut déposer ses
observations sur les documents de l'étude d'impact, les contributions « citoyennes » étant transmises au(x) député(s) rapporteur(s) en
charge de l'examen du projet de loi, qui peuvent les présenter dans

potentielles de projets d'aménagement, d'ouvrages ou de travaux sur
la nature ou la santé(21) . Puis, suivant la recommandation de l'OCDE
et accompagnant le développement concomitant de la légistique, des
circulaires successives ont imposé, dans tous les domaines mais avec
un succès pratique très limité, la réalisation d'une étude d'impact

une annexe à leur rapport.

(17) G. Carcassonne, La Constitution, préf. G. Vedel, Seuil, coll. Points, 11e éd., 2013,
n° 259, p. 194-195, qui poursuit en relevant que les ordonnances « sont généralement des textes défectueux dont les malfaçons ne se révèlent qu'a posteriori, là où
il se serait sans doute trouvé un parlementaire pour soulever, fût-ce ingénument, le
problème qui ne s'est découvert qu'après, à l'occasion de contentieux multiples. Le
tamis parlementaire a des vertus intrinsèques. À qui pourrait les oublier, cette législation de chefs de bureau que sont les ordonnances les rappelle. » En contrepoint,
v. les observations de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, lors de la séance
publique au Sénat du 23 janvier 2014, relevant que les ordonnances sont en réalité
« écrites par des magistrats et juristes compétents, des parlementaires reconnus
comme MM. Anziani et Béteille, qui ont participé au groupe de travail. Nous avons
aussi travaillé avec les représentants du monde économique. »
(18) Sur lesquelles  : B.-L.  Combrade, «  À qui profite l'étude d'impact  ?  »  : LPA
24 janv. 2012, p. 6 ; S. Denolle, « Les études d'impact : une révision manquée ? » :
RFD const. 2011-3, p. 499 et s. ; J. Sirinelli, « La justiciabilité des études d'impact des
projets de loi » : RDP 2010, p. 1367 ; A. Haquet, « Les études d'impact des projets de
loi : espérances, scepticisme et compromis » : AJDA 2009, p. 1986 ; P
. Mbongo, « La
"constitutionnalisation" des études d'impact préalables à la loi. Un mirage légistique » : D. 2009, p. 108. V. aussi M. Philip-Gay (dir.), Les études d'impact accompagnant les projets de loi, LGDJ, 2012 ; G. Faure, Les études d'impact des projets
de loi : premier bilan de la réforme, université Lyon 3, 2012. Pour une vue nordaméricaine du régime français des études d'impact : S. Rose-Ackerman, « Impact
Assessment and Cost-Benefit Analysis : What Do They Imply for Policymaking and
Law Reform ? » : RF adm. publ. 2011-4, p. 767 et s.
(19) Recomm. Cons. OCDE, 9 mai 1995, concernant l'amélioration de la qualité de
la réglementation officielle.

5. L'élévation à un rang constitutionnel de l'obligation faite au pouvoir exécutif de joindre à ses projets de texte une évaluation préalable traduit le sérieux avec lequel le dispositif est considéré en
droit français(28) . En témoigne aussi la sanction dissuasive dont est
théoriquement assortie la méconnaissance de l'obligation gouvernementale : suivant l'article 39, alinéa 4, de la Constitution, relayé par
les règlements de l'Assemblée nationale et du Sénat, «  les projets
de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la conférence des
présidents de la première assemblée saisie constate que les règles
fixées par la loi organique sont méconnues »(29) . En outre, le Conseil
constitutionnel peut déclarer contraire à la Constitution une loi qui
aurait été votée de façon irrégulière en l'absence d'étude d'impact
(22) Quatre circulaires ont été successivement prises entre  1995 et  2003 (Circ.
21 nov. 1995, relative à l'expérimentation d'une étude d'impact accompagnant les
projets de loi et de décret en Conseil d'État : JO 1er déc. 1995 ; Circ. 26 janv. 1998,
relative à l'étude d'impact des projets de loi et de décret en Conseil d'État, JO 6 févr.
1998 ; Circ. 26 août 2003, relative à la maîtrise de l'inflation normative et à l'amélioration de la qualité de la réglementation : JO 29 août 2003 ; Circ. 30 sept. 2003,
relative à la qualité de la réglementation : JO 2 oct. 2003). Sur les deux premières
circulaires et les raisons de leur échec : S. Braconnier, « La technique de l'étude
d'impact et le renouveau de l'action publique » : RDP 1998-3, p. 817 et s. ; A. Noury,
« L'étude d'impact des projets de loi et de décret en Conseil d'État : une tentative de
rationalisation du travail gouvernemental » : RRJ 2000-2, p. 628 et s.
(23) Suivant la formule du rapport du groupe de travail interministériel animé par
D. Mandelkern, La qualité de la réglementation, Doc. fr., 2002. V. aussi le rapport du
groupe de travail présidé par B. Lasserre, Pour une meilleure qualité de la réglementation, Doc. fr., 2004.
(24) V. en particulier le rapport du Conseil d'État, Sécurité juridique et complexité
du droit, Doc. fr., 2006, p. 313 et s., et les préconisations du rapport Balladur, Une
Ve République plus démocratique, Doc. fr., 2008, proposition n° 25.
(25) L. org. n° 2009-403, 15 avr. 2009, relative à l'application des articles 34-1, 39
et 44 de la Constitution.
(26) Le site Legifrance permet d'accéder à toutes les études d'impact, lesquelles
sont classées en deux rubriques selon que les lois ont été adoptées (environ
250 études) ou sont en préparation (environ 120 études).
(27) Le Sénat, lui, n'a pris aucune mesure équivalente.

(20) Soulignant que la Commission européenne utilise les études d'impact pour
légitimer sa propre action : I. Papadopoulos, « L'usage stratégique des études d'impact dans la procédure législative européenne », in M. Philip-Gay (dir.), Les études
d'impact accompagnant les projets de loi, op. cit., p. 5 et s.

(28) L'initiative a d'ailleurs été saluée sur le plan européen comme constituant
«  une première  » par rapport aux autres pays, Rapp. OCDE, Mieux légiférer en
Europe, France, 2010, p. 6.

(21) Sur ce point, v. not. S. Caudal, « Études d'impact législatives et études d'impact
environnementales : éléments de comparaison », in M. Philip-Gay (dir.), Les études
d'impact accompagnant les projets de loi, op. cit., p. 25 et s.

(29) Le texte ajoute qu'« en cas de désaccord entre la conférence des présidents
et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre
peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours. »

Revue des contRats 2 - Juillet 2014

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